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Du
nouveau sur les origines de l’islam
Quand la
conquête est un outil pour le Salut de la Terre
Entretien avec Edouard-Marie Gallez réalisé par Guillaume de Tanoüarn
et Romain Koller
Objections - n°2 - janvier
2006 |
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Je
ne saisis pas encore l’ampleur de cette question d’un judéo-christianisme
sectaire ou hérétique à l’origine de l’islam. Les traditions musulmanes
ne présentent pas du tout La Mecque comme une ville ayant abrité une
communauté juive.
Effectivement.
Ils n’en venaient justement pas, pour plusieurs raisons péremptoires dont la
plus immédiate est qu’ils venaient d’ailleurs : de Syrie. Car c’est là
qu’avant l’Hégire, s’était jouée “la première partie de la carrière
de Mahomet”, comme l’écrit si joliment Patricia Crone, qui démontre
également et surtout beaucoup d’autres choses concernant La Mecque. Mais pour
nous en tenir à la Syrie, c’est bien là qu’ont commencé l’endoctrinement
et l’enrôlement des premiers Arabes, au cours de la génération qui a
précédé Mahomet, c’est-à-dire au temps de son enfance. On pourrait encore
aller voir les lieux où Mahomet a vécu, ils sont connus des géographes
modernes et même de certains anciens, comme par exemple le lieu-dit “caravansérail
des Qoréchites”, c’est-à-dire rien de moins que la base arrière de sa
tribu, adonnée au commerce caravanier – Mahomet lui-même participa à ces
caravanes, dans sa jeunesse, ainsi que les traditions nous l’indiquent sans qu’il
existe la moindre raison d’en douter. Et sur une carte toponymique (voir à la
page 278 du volume deux de mon ouvrage), vous pouvez repérer d’autres noms de
lieux très significatifs également puisqu’on les retrouve à La Mecque: ce
même nom, La Mecque justement, se trouve en Syrie; de même Kaaba, ou encore
Abou Qoubays – qui est le nom de la montagne renommée jouxtant La Mecque en
Arabie –…
Est-ce
que vous voulez dire qu’il y a eu plus tard un transfert vers La Mecque de
ces appellations syriennes, dont le but aurait été d’occulter ce passé
syrien et « juif » de la tribu de Mahomet, les Qoréchites?
Oui,
c’est bien ce qui est advenu plus tard ; Antoine Moussali avait déjà
observé ce phénomène à propos du Coran, en parlant des manipulations subies
par son texte et destinées elles aussi à effacer le passé.
Nous
y reviendrons, mais restons-en à l’Hégire de 622 et à l’année 1 de l’entrée
dans une ère qui, en toute logique, doit être nouvelle pour toute l’Humanité.
Ce que la Bible appelle la « terre» et invite à conquérir, c’est
seulement la Palestine. Quel rapport y a-t-il alors avec un programme de
conquête qui viserait le monde entier?
Ce
rapport tient précisément à l’idéologie des « nazaréens ». Ces derniers
ne sont pas des « juifs » de l’Ancien Testament (qui auraient alors sept
siècles de retard), mais d’ex-judéo-chrétiens bien de leur temps. Dans leur
vision de l’Histoire, la reconquête de la Terre d’Israël est liée à la
venue de l’Ère Nouvelle. Elle est une étape. Une étape indispensable au
Salut. Régis Blachère a bien compris que cette « terre que Dieu vous a
destinée » (S. V, 21) désigne la Palestine, et il en est ainsi 18 autres fois
du mot « terre» dans le Coran. Et tel fut bien le but poursuivi par l’expédition
des guerriers de Mahomet dès l’année 629, un fait connu des historiens mais
habituellement passé sous silence dans les articles pour le grand public, alors
qu’il s’agit de la seule donnée de la vie de Mahomet qui soit à la fois
totalement sûre et bien datée. En cette année-là, à la tête de ses
troupes, Mahomet est battu par les Byzantins (qui s’appelaient encore Romains)
à l’est du Jourdain, à Mouta. C’est évidemment là qu’on l’attendait,
puisque selon l’image biblique de la libération de la Terre, il faut
nécessairement passer le Jourdain. C’est après sa mort c’est-à-dire
seulement neuf ans plus tard que Umar entrera finalement dans Jérusalem, alors
que le pays était déjà sous contrôle depuis quatre années – seule
Jérusalem résistait encore. Pour tous ces gens, la prise de la Palestine et de
la Ville apparaît alors comme le gage de la conquête du monde. Sophrone, le
Patriarche de Jérusalem, l’avait bien compris puisqu’il écrivit en 634
déjà dans un sermon sur le baptême que les Arabes « se vantent de dominer le
monde entier, en imitant leur chef continûment et sans retenue ». C’est une
telle perspective, beaucoup plus large que celle de la seule Terre d’Israël,
qui est exprimée dans la Sourate VII : « la terre appartient à Dieu, il en
fait hériter qui il veut parmi ses créatures et le résultat appartient aux
pieux » (v. 128).
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