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Du
nouveau sur les origines de l’islam
Quand la
conquête est un outil pour le Salut de la Terre
Entretien avec Edouard-Marie Gallez réalisé par Guillaume de Tanoüarn
et Romain Koller
Objections - n°2 - janvier
2006 |
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Comment
des Arabes ont-ils été entraînés dans ce long effort de guerre? On peut
penser que l’appât du butin, dont parle par exemple le verset 20 de la
sourate 48, ait constitué un motif, mais était-ce suffisant? Comment
pouvaient-ils entrer dans des visions religieuses de l’Histoire?
Il
s’agit au départ lorsque commence l’aventure de Mahomet, d’Arabes
chrétiens – ils sont, vous ai-je dit, ces « associateurs » dont parle le
texte coranique –, même s’ils sont baptisés depuis peu. Leur conversion au
christianisme fut en particulier le fruit des efforts de l’Église jacobite
qui va même aménager pour eux des lieux-églises en plein air. Un signe de
cette conversion ? Au début du 6e siècle, les Qoréchites étaient encore
connus pour être d’abominables pillards sévissant du côté de la
Mésopotamie ; et voilà qu’à la fin de ce même 6e siècle, au temps de l’enfance
de Mahomet, ce sont de pacifiques caravaniers, spécialistes du transport depuis
la façade syrienne de la Méditerranée vers la Mésopotamie et l’Asie.
Entre-temps, ils étaient devenus chrétiens, et c’est bien à des chrétiens
que s’adressent les harangues de l’auteur des feuillets coraniques
primitifs.
Comme
chrétiens, ils étaient donc déjà habitués à une certaine vision de l’Histoire…
Oui,
ils avaient conscience que le Saut a une histoire, racontée dans la Bible. Avec
la prédication protoislamique, ils découvrent qu’ils sont des fils d’Abraham
selon les commentaires juifs du chapitre 25 de la Genèse. Il n’est même pas
écrit dans la Bible qu’Ismaël est leur ancêtre! René Dagorn a bien montré
que cette légende des apocryphes juifs était inconnue ou, du moins,
indifférente aux Arabes chrétiens de l’époque de Mahomet. Or c’est
là-dessus que les «nazaréens» vont jouer. À la suite de Ray A. Pritz qui a
formé le néologisme, appelons cette secte judéo-chrétienne autour de
laquelle nous tournons, par la dénomination non équivoque de «
judéo-nazaréens ». L’appellation simple de «nazaréens» porte à
équivoque nous l’avons vu tout à l’heure puisque c’est d’abord la
première appellation des chrétiens, vite abandonnée. Ces judéo-nazaréens
sont habiles. Ils ont compris que sans l’aide d’Arabes, qui forment la
réserve militaire d’appoint, autant pour l’Empire byzantin que pour celui
des Perses, ils ne parviendraient jamais à prendre et garder Jérusalem. Pour
faire advenir l’Ère messianique qu’ils attendaient, ils eurent l’idée de
circonvenir les Arabes au nom de la descendance d’Ismaël, en étendant à eux
les promesses de domination universelle que l’on trouve dans leurs livres
apocalyptiques, par exemple dans le IVème livre d’Esdras où l’on peut
lire: «Seigneur, tu as déclaré que c’est pour nous que tu as créé le
monde. Quant aux autres nations, qui sont nées d’Adam, tu as dit qu’elles
ne sont rien (...) Si le monde a été créé pour nous, pourquoi n’entrons-nous
pas en possession de ce monde qui est notre héritage?» (VI, 55 sq). Et plus
loin, dans le même texte, voici une formule qui nous renvoie tout naturellement
au texte de la Sourate VII que nous venons de citer, sur la terre qui appartient
aux pieux : «Cherche à savoir comment seront sauvés les justes, à qui
appartient le monde et pour qui il existe, et à quelle époque ils le seront»
(IX, 13b).
Il
y a un drôle de mélange entre religion et stratégie politique…
Et
plutôt payant. Les deux Empires de l’époque, les Grecs byzantins et les
perses sassanides, sont épuisés par des querelles internes et par les
campagnes militaires montées l’un contre l’autre. C’est d’ailleurs dans
ce cadre que se comprend l’Hégire, selon l’année probable: ceux qui
quittent la Syrie en 622 pour le désert n’avaient sans doute pas envie de
rencontrer les armées d’Héraclius, qui commençait la reconquête de l’Est
de son Empire pris huit ans plus tôt par les Perses. Les campagnes avaient
alors lieu l’été, puis on se donnait rendez-vous pour l’année suivante.
En 628, les Perses finissent par être complètement battus, et l’on peut
penser que certains stratèges liés aux Perses, arabes ou non, rejoignirent
alors Yathrib pour se mettre au service du projet que montent les
judéo-nazaréens et leurs alliés arabes autour de Mahomet. Mais l’expédition
de 629 est un échec, comme on l’a vu. Manifestement, certains passages du
Coran témoignent du souci que l’auteur eut alors de remonter le moral des
troupes, et l’un d’eux évoque clairement cet épisode (S. XXX, 1-5 selon la
voyellisation correcte rétablie par Blachère).
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