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Retour vers la partie précédente
De nombreux versets l’indiquent assez clairement (ces «associateurs» sont dits croire en un Dieu unique et refuser d’être traités d’associateurs, précisément)! Plus tard, ce terme sera lu comme désignant de supposés «polythéistes». Mais pour revenir à notre sujet, quelle était cette secte non-trinitaire, ces «nazaréens», amis des Arabes de Mahomet, qui se distinguent radicalement de l’ensemble des chrétiens tout en comptant parmi eux des «prêtres» et des «moines» (v.82)? Voilà une première question, à laquelle tout le premier volume de mon travail s’efforce de répondre en synthétisant les recherches faites parfois depuis longtemps par des chercheurs venus d’horizons divers, mais restés trop inconnus du public.
La qualification de «judéo-chrétienne» pour cette «secte» est abusive: il faudrait parler d’une «secte ex-judéo-chrétienne», car c’est dans un contexte de rupture que se situe son rapport avec le judéo-christianisme originel. J’ai tenté de décrire le mieux possible cette secte, qui, depuis des siècles, axait sa vision du monde et du salut sur le retour du Messie; les textes trouvés dans les grottes de la mer Morte contribuent fortement à cette compréhension. Il s’agissait d’un retour matériel, d’un avènement politique du Messie, non d’une Venue dans la gloire comme la foi chrétienne l’enseigne…
Pour cela, il aurait fallu qu’une religion nouvelle ait été fondée! La question de l’Hégire permet d’entrevoir immédiatement ce qui s’est passé. L’Hégire ou Émigration à l’oasis de Yathrib situé en plein désert est un événement très significatif de la vie du Mahomet historique. On sait que, très rapidement, cette année-là – 622 semble-t-il – a été tenue pour l’an 1 du calendrier du groupe formé autour de Mahomet (ou plutôt du groupe dont il était lui-même un membre). Or, la fondation d’un nouveau calendrier absolu ne s’explique jamais que par la conscience de commencer une Ère Nouvelle, et cela dans le cadre d’une vision de l’Histoire. Quelle ère nouvelle? D’après les explications musulmanes actuelles, cette année 1 se fonderait sur une défaite et une fuite de Mahomet, parti se réfugier loin de La Mecque. Mais comment une fuite peut-elle être sacralisée jusqu’à devenir la base de tout un édifice chronologique et religieux? Cela n’a pas de sens. Si Mahomet est bien arrivé à Yathrib – qui sera renommé plus tard Médine – en 622, ce ne fut pas seulement avec une partie de la tribu des Qoréchites, mais avec ceux pour qui le repli au désert rappelait justement un glorieux passé et surtout la figure de la promesse divine. Alors, le puzzle des données apparemment incohérentes prend forme, ainsi que Michaël Cook et d’autres l’on entrevu. Le désert est le lieu où Dieu forme le peuple qui doit aller libérer la terre, au sens de ce verset: «Ô mon peuple, entrez dans la terre que Dieu vous a destinée» (Coran V, 21). Nous sommes ici dans la vision de l’histoire dont le modèle de base est constitué par le récit biblique de l’Exode, lorsque le petit reste d’Israël préparé par Dieu au désert est appelé à conquérir la terre, c’est-à-dire la Palestine selon la vision biblique. Telle est la vision qu’avaient ceux qui accompagnaient et en fait qui dirigeaient Mahomet et les autres Arabes vers Yathrib en 622. Et voilà pourquoi une année 1 y est décrétée: le salut est en marche. Dans l’oasis de Yathrib d’ailleurs, la plupart des sédentaires sont des «juifs» aux dires mêmes des traditions islamiques. Et pourtant les traditions rabbiniques ne les ont jamais reconnus comme des leurs: ces «juifs» et ceux qui y conduisirent leurs amis arabes sont en réalité ces “judéochrétiens” hérétiques, qui vous évoquiez à l’instant. Ils appartenaient à la secte de «nazaréens » dont on a déjà parlé à propos de la sourate 5, verset 82. |
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