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Voter catho ? - Éditorial
par Laurent Lineuil
Objections - n°10 - juillet 2007

Ainsi donc, au premier tour de l’élection présidentielle, le 22 avril, les catholiques pratiquants réguliers ont voté à 45 % pour Nicolas Sarkozy, et à 20 % pour François Bayrou ; Philippe de Villiers et Jean-Marie le Pen ne rassemblant à eux deux que 15 % de leurs suffrages – soit à peine plus que Ségolène Royal (11 %). Ainsi donc, alors même que Benoît XVI avait rappelé quelques semaines auparavant, dans son exhortation Sacramentum caritatis, les catholiques au devoir de « cohérence », leur rappelant qu’il est de leur devoir de défendre activement des “valeurs non négociables”, comme « le respect et la défense de la vie humaine, de sa conception à sa fin naturelle », et que plusieurs évêques français, de Mgr Cattenoz à Mgr Barbarin, sortant de leur habituelle réserve, avaient relayé ce souci du pape que les catholiques n’apportent pas le concours de leurs suffrages à l’entreprise de démolition de la famille, de désacralisation de la vie et de réification de l’être humain aujourd’hui en cours dans les sociétés démocratiques, et notamment en France. Malgré cela, donc, les catholiques français ont accordé, pour près des deux tiers, leurs suffrages à un candidat – François Bayrou – qui a pris publiquement le contre-pied de cet impératif de cohérence en déclarant que ses convictions de chrétien n’influencent pas ses prises de position d’homme politique (et de fait, il n’en donne que trop d’exemples) et à un autre – Nicolas Sarkozy – qui place le “droit à l’avortement” parmi les composantes de l’identité française, veut instituer un mariage homosexuel sans le nom, ou se propose de faire la promotion de l’homosexualité jusque dans les écoles primaires...

Nous sommes donc encore très loin d’un “vote catholique” où les fidèles pèseraient comme un seul homme pour la défense de ces fameuses “valeurs non négociables”. Il faut d’ailleurs déplorer qu’au rang de celles-ci n’ait été mentionnée à aucun moment la défense de la nation, dont la légitimité fait pourtant partie intégrante de l’enseignement des papes, de Léon XIII pour qui « l’amour surnaturel de l’Église et l’amour naturel de la patrie procèdent du même et éternel principe » à Jean-Paul II qui voyait en elle la communauté « la plus importante pour l’histoire spirituelle de l’homme », en passant par Pie XII selon qui « le divin maître lui-même donna l’exemple de cette préférence envers sa terre et sa patrie ». Si aujourd’hui cette “préférence envers sa terre et sa patrie” est moins à la mode que “l’accueil de l’autre” ou que “la défense de la planète”, elle n’en appartient pas moins au corpus magistériel catholique, et se devrait d’être rappelée au titre de ces “valeurs non négociables” que les catholiques sont appelés à défendre. Dieu merci, par un heureux “hasard”, on constate que les candidats qui ont à cœur, peu ou prou, de conformer leur programme au décalogue, sont aussi ceux qui de manière constante et non le temps d’un hold-up électoral, défendent contre vents et marée les droits de la nation...

Encore faut-il s’entendre sur la façon d’intégrer ces “points non négociables” à son choix électoral. La politique, contrairement à ce que pensent trop de catholiques “concernés”, ça n’est pas un QCM où l’on soumettrait les différents candidats à un certain nombre de critères clés, processus au terme duquel on voterait automatiquement pour celui qui a le plus de croix dans les bonnes cases. À quoi sert que tel candidat soit le plus cohérent sur le plan des “valeurs” si par ailleurs il a démontré, de manière constante, son incapacité à rassembler durablement ses partisans et à peser sur la vie politique du pays ? À quoi bon soutenir telle personnalité bien-pensante si elle a livré sa carrière, pieds et poings liés, à un mouvement autrement plus puissant qu’elle et qui défend des valeurs inverses ?

A s’attacher aux seules “valeurs”, on risque d’oublier que la politique n’est pas seulement, loin s’en faut, affaire de principes, mais aussi de calculs, de stratégie, d’efficacité et, en fin de compte, de pouvoir. Or le pouvoir n’est pas seulement électoral, il est aussi idéologique ; face à une situation politique institutionnellement verrouillée, c’est sans doute davantage sur ce terrain-là que, dans un premier temps, nous pourrons remporter des victoires politiques décisives au service de notre foi.

 

 

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