Numéros parus

 

Centre Saint Paul

 

Centre St Paul

 MetaBlog

TradiNews

Deshellénisation ?
G.T.
Objections - n°7 - novembre 2006

Deshellénisation : qu’est-ce que cela signifie ? Le concept est nouveau. Benoît XVI lui donne une portée historique globale, en distinguant les trois phases de la Réforme (avec sa radicalisation kantienne), du modernisme (allemand : celui de von Harnack ; français : celui d’Alfred Loisy) et de l’inculturation (le stade contemporain, où l’on devine l’ombre de Lévy Strauss, avec cette idée que les cultures sont irréductibles les unes aux autres et proprement incomparables).

On pourrait définir la déshellénisation comme le schisme entre le contenu du message et la tradition (grecque, forcément grecque dans son langage) qui le porte jusqu’à nous. Le Saint-Père nous demande de résister à la tentation de revenir à “la foi seule”. Il explique posément ce que saint Pie X en son temps exposait avec fougue : il est impossible en christianisme d’isoler “le fond” et “la forme” dans sa croyance. La foi est inséparable des formes (théologiques, dogmatiques mais aussi liturgiques) à travers lesquelles elle se présente à nous.

Quel théologien a su dire une chose aussi cruciale en termes aussi universels ?

Prenons l’école thomiste, celle qui se targue d’exprimer le plus adéquatement possible le génie de l’Église. Le Père Ambroise Gardeil dans ce vieux livre qu’est Le donné révélé et la théologie (1909), parle des formules dogmatiques en évoquant leurs « valeurs de représentation » et leur « valeur d’unification ». Et il s’en remet à une Providence historique de Dieu, « une disposition spéciale de la Providence qui veille sur la vie du dogme de son Église » (sic p. 180, éd. 1932) et qui en explique la « genèse ».

Cette disposition spéciale, il ne sera pas difficile au Père Chenu (fis spirituel du Père Gardeil) de montrer qu’elle n’existe plus aujourd’hui, qu’elle n’est plus valable dans le moment historique particulièrement novateur que nous avons traversé à la fin du XXe siècle…

Il me semble que la puissance du concept de déshellénisation peut se mesurer aux errements de cette théologie du passé. Pour Benoît XVI l’hellénisme n’est pas une disposition “spéciale” de la Providence, qui serait appelé à disparaître lorsque « la foi socialisée » de l’Église, enfin devenue adulte, pourrait s’en passer. C’est une dimension intrinsèque de la foi elle-même, comme la forme est inséparable du fond qu’elle exprime et comme la raison (l’histoire humaine de la raison) est inséparable de la foi, qui en représente en quelque sorte l’accomplissement surnaturel : « Dans le christianisme, la raison est devenue religion. Elle n’est plus sa rivale » dit Benoît XVI quelque part. Fides et ratio : pas de foi authentique sans la recherche rationnelle qu’elle exauce divinement.

Cette raison devenue religion, ce n’est pas la raison pure de Kant, c’est la raison lestée de tous les legs que l’histoire humaine lui a laissés. C’est en particulier et pour toujours – Maurras est ici étrangement d’accord avec Benoît XVI – la raison hellénique, avec toute sa puissance de définition et son génie de l’affirmation.

Il ne faudrait pas sacrifier cette souveraineté intellectuelle de l’hellénisme à l’étroitesse de nos âmes, en proie à la trop moderne difficulté d’être. Tel est me semble-t-il l’ultime message de Benoît XVI à Ratisbonne.

 

 

Objections - 12 rue Saint-Joseph - 75002 Paris - 01.40.26.41.78

contact

Reprise des textes autorisée, aux conditions suivantes: En donner les coordonnées complètes (titre de la revue, de l'article, auteur et date). En cas de reprise sous forme électronique, placer un lien actif vers le site de la revue Objections - http://revue.objections.free.fr | Directeur de la publication: Guillaume de Tanoüarn | Edité par: Association pour la Diffusion de la Culture Chrétienne (A.D.C.C.) 22, rue Frémicourt - 75015 Paris | Numéro de commission paritaire: 0308 G 87723