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Plaidoyer pour le tradiœcuménisme
Abbé G. de Tanoüarn
Objections - n°5 - avril 2006

Tradiœcuménisme : le mot a été employé de façon dépréciative par certains traditionalistes pour en éliminer d'autres. Nous le reprenons aujourd'hui comme un étendard.

Si l'œcuménisme a mauvaise presse chez les tradis, combien plus le tradi-œcuménisme ! Et pourtant, le terme appartient au patrimoine chrétien, même si beaucoup de réalisations du mouvement œcuménique sont contestables, voire perverses. Oikouméné, en grec, cela désigne l'Église, « la catholique », celle que l'on trouve sur toute la surface de la terre habitée. S'il est vrai que c'est la Tradition (c'est-à-dire la transmission de la parole de Dieu) qui fait l'Église, alors le tradiœcuménisme s'impose comme un réflexe fondamental du chrétien authentique. Son mot d'ordre ? Tout ce qui est traditionnel construit l'Église. Ce qui ne l'est pas la détruit.

Les plus graves déviations nous guettent, si nous oublions que toute fondation, au sein de l'Église, a rang de moyen et non de fin.

Cette remarque, d'apparence anodine, dévoile la raison profonde qui nous fait refuser la définition que Vatican II donne de l'Église comme “sacrement, c'est-à-dire comme moyen” de l'union de l'homme avec Dieu et de l'union des hommes entre eux. La Fraternité Sainte Gudule est un moyen. L'Institut Saint Glinglin est un moyen. L'Église, en revanche, est plus qu'un moyen. Disons : parce que, de par la volonté de Dieu, elle est le moyen unique pour le salut du monde, elle devient pour nous une véritable fin. Les Fraternités sont dans l'Église.

Aucune d'entre elles ne constitue une fin. Leur influence est cumulative et pas exclusive. C'est là le fondement, vraiment essentiel, de ce que nous avons appelé « le tradiœcuménisme ».

Les moyens et la fin

Au sein de la mouvance traditionnelle, je veux dire : parmi tous ceux qui entendent aider l'Église à retrouver les formes de sa Tradition, il y a des stratégies différentes, il y a des spiritualités différentes, comme il y a plusieurs demeures dans la Maison du Père. Mais ces différences ne doivent pas nous cacher (au moins lorsqu'elle existe) une profonde unité de finalité. Si c'est le même Jésus-Christ que nous cherchons en vérité, nos forces, aux uns et aux autres, ne sont pas contraires. Dans la sagesse de Dieu, elles sont certainement complémentaires ! C'est dans cette perspective, délibérément tradi-œcuménique, que j'avais déclaré à la fin du Carême, l'an dernier, en annonçant la création du Centre culturel Saint-Paul : « J'élargis l'offre ».

Il est bon que les traditionalistes puissent choisir entre plusieurs moyens de servir Dieu. Ordonnés à la même fin, les moyens ne font pas nombre, ils s'additionnent.

Conclusion pratique immédiate : il faut pratiquer le libre accès aux autels de la Tradition pour tous les prêtres attachés à la Tradition. Quel prodigieux élan nous pourrions donner à l'Église, si, mettant de côté tous les problèmes de personnes, nous prenions conscience que nous travaillons tous, nous les catholiques de Tradition, sans doute par des voies différentes, mais dans la même direction.

C'est une vérité de La Palice, évidemment accessible à tous, si l'on ne cherche pas à s'arroger, pour soi, un monopole. Or, il suffit de s'arrêter sur le site Internet de la Porte Latine, site officiel du district de France pour la Fraternité Saint Pie X. Les réalisateurs de ce site ont inscrit en sous-titre sur leur page d'accueil : « site de la Tradition en France ». De quelle Tradition s'agit-il ? S'il s'agit bien de la Tradition catholique apostolique et romaine au pays du Curé d'Ars, on nous accordera facilement que la Fraternité Saint Pie X n'en a pas le monopole. Le « site de la Tradition en France » considère pourtant qu'il ne doit répercuter que ce qui provient de ladite Fraternité, intronisée du coup comme l'incarnation (et je n'emploie pas ce mot au hasard) de la Tradition en France. Voilà un exemple (entre mille) d'une pratique abusive du Monopole. Et que celle-là soit purement rhétorique ne change rien à l'affaire.

Il est clair que les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X se sont battus, plus que beaucoup d'autres, pour obtenir une reconnaissance inconditionnelle de la valeur des formes (liturgiques, théologiques, catéchétiques) de la Tradition catholique. Cela les autorise-t-il à considérer qu'en dehors de leur combat, mené avec les moyens matériels qui sont les leurs, en France, dans le cadre de l'association cultuelle saint Pie X, il n'existe pas de combat catholique “traditionnel” ? Pour être encore plus précis, cela autorise- t-il tel curé FSSPX à refuser l'accès des autels de sa paroisse à deux prêtres, au seul motif qu'ils ne sont pas membres de ladite Fraternité ? Peut-il refuser le sacrement de pénitence à un fidèle, au seul motif que cet individu a fait connaître son désaccord avec tel aspect de la pastorale du district de France ?

Une métaphore qui vaut explication

La FSSPX a bien sûr un rôle particulier dans le monde de la Tradition. Il me semble que les quatre évêques de la FSSPX, selon la volonté clairement manifestée par Mgr Lefebvre, représentent aujourd'hui le bras armé de l'ensemble de la Tradition catholique. Par leur seule présence, ils la protègent (que les fidèles et les prêtres le veuillent ou non ; qu'ils le sachent ou qu'ils ne s'en rendent pas compte, peu importe), d'éventuels retours de flamme de la “religion conciliaire”. (sur la signification de cette expression, voir notre livre Vatican II et l'Évangile et aussi la citation de Jean Guitton que nous proposons en page 2 de couverture). En tant qu'évêques, “les quatre” sont ainsi doublement respectables à l'heure actuelle : ils sont respectables pour leur épiscopat (et le pape a montré l'exemple de ce respect) et ils sont respectables pour leur fonction militante et suppléante au sein de l'Église et au cœur de la FSSPX.

Faut-il pour autant exclure les autres catholiques, qui sont fidèles aux formes de la tradition catholique ? Évidemment non. Ils contribuent pour leur part à préserver et à propager la flamme sacrée que ne manque pas de faire briller la fidélité catholique, partout où elle est réelle. Et, de plus en plus, ils entrent, eux aussi, dans le grand débat doctrinal qui traverse toute l'Église catholique et se demandent eux aussi : mais que faire de Vatican II ?

Comment comprendre cet apparent imbroglio ? S'agit-il de dire que tout le monde a raison ? Non, bien sûr. Mais dans les différences entre catholiques, il importe de bien distinguer celles qui portent sur les moyens de servir Dieu, sur la stratégie que chacun utilise par hypothèse en vue de la retraditionalisation de l'Église et puis celles qui concernent les fins poursuivies : le « service de l'homme » n'est pas le service de Dieu par exemple.

J'ai souvent utilisé la métaphore de « l'Église occupée », chère à Jacques Ploncard d'Assac (qui savait ce qu'une Occupation veut dire). Elle me semble plus que jamais d'actualité. Si l'on peut considérer que l'Église dans de notables parties de ses structures est encore occupée par l'hérésie moderniste (voir notre dossier sur ce sujet dans notre n°4), il faut bien imaginer que la Résistance s'est organisée. Comme dans toutes les Occupations du monde.

Seulement voilà : elle s'organise aujourd'hui de différentes manières.

Il y a ceux qui ont pensé nécessaire de quitter le territoire et de mettre la largeur du Channel entre les occupants et eux. À eux le micro ! À eux la liberté de parole. Et parce que l'homme est un animal parlant, comme nous le rappelle Aristote, à eux peut-être le symbole de la victoire ! Il me semble que le dessin de la métaphore désigne clairement ici la FSSPX.

Il y a ceux qui, dans le territoire national se sont trouvé un domaine, une zone libre, une AFN où il est possible de refaire ses forces et de préparer la Libération. Ceux-là, les “ecclesiadéistes”, comme disent les habitués du Forum catholique, ont le Verbe moins haut, mais ils peuvent être en très peu de temps d'une redoutable efficacité, pour peu qu'un véritable champ de bataille (ce fut, après une longue attente la Tunisie ou l'Italie) leur soit donné.

« Laissez-les croître ensemble »

Le risque de cette position ? C'est justement l'impatience de l'attente. L'impatience en a mis plus d'un hors-jeu, avant même que le jeu ait véritablement commencé.

Il y a aussi tous ceux qui, du haut en bas de la hiérarchie résistent encore et toujours à l'occupant. Combien sont-ils ? Cela va de l'armée de l'Ombre, qui fait sauter les trains clandestinement au secrétaire de Mairie qui maquille une déclaration pour le STO. Cela s'étend de la résistance ouverte à la clandestine. Ne méprisons pas les résistants de l'Intérieur, qu'ils aient ou non envie de porter ce titre. Leur rôle est capital. Il est souvent obscur. Beaucoup de prêtres ou même de simples fidèles, dans les structures de la Nouvelle Église, sont des résistants de l'intérieur, à la vague de modernisme qui n'en finit pas de déferler.

A-t-on le droit de juger et de pendre, haut et court, quiconque n'a pas le même mode de résistance que vous ? En France, on a parlé d'Épuration. Le Seigneur dans l'Évangile nous a expressément interdit la pratique de l'Épuration. C'était à propos du Bon grain et de l'Ivraie. Son ordre est formel : « Laissez-les croître ensemble jusqu'à la moisson ». L'Église, nous disent les Pères, est ce vaste champ où le cultivateur a laissé croître ensemble le Bon grain et l'Ivraie, au mépris des prescriptions élémentaires de l'agriculture. Pour prendre une autre parabole : l'Église est ce vaste filet qui prend tout poisson, petit ou gros, venant en son sein. Le tri ne s'effectue pas en pleine mer, mais sur le rivage, une fois la pêche achevée.

Abbé G. de Tanoüarn


Bingo pour les tradis
Je n'aime pas les chiffres. N'empêche : l'association Oremus vient d'organiser un recensement des catholiques traditionalistes en France. Le résultat est éclairant. Il a impressionné, paraît-il les évêques français eux-mêmes, à qui ce sondage a été remis le 4 avril, lors de leur Assemblée de Printemps. Résultat ? Oremus compte 80 000 traditionalistes en France, dont 35 000 pour la seule Fraternité Saint Pie X, qui par ailleurs revendique 200 lieux de cultes, disséminés sur le territoire national. Pour 100 lieux de cultes, les tradis “non piedistes” totalisent 45 000 personnes le dimanche dans les églises et chapelles qu'ils desservent. Tout cela n'est pas négligeable !

 

 

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