Du
nouveau chez les sédévacantistes
Un article publié par Inside the
Vatican
Objections - n°5 - avril 2006 |
Après
de longues recherches et malgré un net préjugé sédévacantiste, Hutton
Gibson prend position contre la thèse “sédé-empêchiste”, dite “thèse
Siri”, selon laquelle le vrai pape élu en 1958, pour succéder à Pie XII, n’aurait
pas été Jean XXIII, le pape Roncalli, mais plutôt un prélat conservateur,
réputé pour son intelligence théologique, le cardinal Siri, archevêque de
Gênes.
Comment
expliquer cette volte-face de Hutton Gibson, longtemps considéré comme très
proche des “sédé-empêchistes” ? Il brûle ses vaisseaux, aujourd’hui,
après avoir mené depuis plusieurs années une enquête minutieuse en Italie.
Nous reprenons ici de très larges extraits d’un article publié par la
rédaction de Inside the Vatican, cette revue américaine dont le nom parle de
lui-même. Nous remercions le directeur de cette publication de nous offrir
cette possibilité. Nous sommes heureux d’alimenter un débat “tabou”,
auquel, à ma connaissance, nous avons été les seuls en France, en dehors de
cette mouvance, à accepter de faire écho, au Centre Saint Paul : le débat sur
“l’Église éclipsée”. On se rend compte aujourd’hui que ceux qui ont
embrassé une thèse théologique sédévacantiste sont contraints de durcir
leurs positions, jusqu’à pratiquer un véritable “ecclésiovacantisme”,
tant il est vrai que si il n’y a plus de pape pendant un demisiècle, c’est
au fond l’Église elle-même qui disparaît, “éclipsée”. Quel catholique
pourra soutenir cela ?
GT
Nous
remercions Inside the Vatican
de nous avoir autorisé à publier cette traduction. Dans le prochain numéro
nous continuerons d'exorciser la tentation sédévacantiste en proposant un
article fondamental sur la validité des ordinations épiscopales selon le Novus
Ordo.
La
position des Gibson
Quand le réalisateur américain Mel Gibson a
commencé à montrer son film, La Passion du Christ, en 2004, notre
magazine a suivi de très près la controverse. Nous avons consacré deux grands
articles, avec appels en une, à ce sujet quand la controverse sur le film
atteignit le Vatican après que le pape Jean-Paul II eut accepté de voir le
film et d’en donner un jugement succinct (« C’est comme ce fut ») qui
laissait entendre qu’il n’avait trouvé aucun problème théologique
sous-jacent à la description de la Passion du Christ dans le film.
Tout au long de ces mois de controverse, on s’intéressa
énormément à la foi qui avait inspiré l’œuvre de Gibson, à son ardent
catholicisme. Il devint de notoriété publique que Gibson, alors qu’il
tournait son film, assistait tous les matins à la Messe, et que la Messe à
laquelle il assistait était célébrée selon le rite latin ancien, celui d’avant
le Concile.
Comme on le sait bien, notre publication (Inside
the Vatican NDLR) s’est fait depuis longtemps l’avocat de « l’ancienne
Messe », allant jusqu’à en demander le rétablissement universel dans toute
l’Église catholique romaine. Notre position était fondée sur le principe
que « l’ancienne Messe », célébrée pendant des siècles par des papes et
des saints, ne pouvait pas légitimement être suspectée de présenter le
moindre grave défaut théologique, et que suspecter ou accuser « l’ancienne
Messe » d’en présenter, était théologiquement impossible pour tout croyant
catholique orthodoxe.
Cette position consistant à défendre l’ancienne
liturgie, et que nous continuons à tenir, nous a offert une sorte de terrain
intellectuel commun avec beaucoup de ceux qui, comme Gibson, préféraient
assister à « l’ancienne Messe ». (…)
The
war is now !
C’est dans ce contexte que notre curiosité a
été piquée par une mince lettre d’information arrivée à nos bureaux. C’était
la livraison de décembre 2005 d’une lettre d’information de 8 pages, tapée
à la machine, titrée The War Is Now !, (la guerre est maintenant !), et
publiée par Hutton Gibson, le père de l’acteur et du réalisateur Mel
Gibson.
Dans cette lettre d’information, Hutton Gibson
nous offre un aperçu fascinant sur ces catholiques devenus si frustrés et si
bouleversés par les « tendances » au changement de l’Église
postconciliaire, qu’ils en sont venus à se cadenasser dans différentes «
théories conspirationnistes », afin de trouver une explication à ce qui s’était
passé.
Gibson aîné y démontre que l’une des
thèses conspirationnistes les plus élaborées, appelée « thèse Siri », est
fausse et doit être rejetée.
La « thèse Siri » avance que le
cardinal-archevêque de Gênes, plutôt conservateur, Giuseppe Siri fut
réellement élu Pape en 1958, mais que son élection fut abrogée ; ce qui
conduisit à l’élection d’Angelo Roncalli qui devint Jean XXIII, lequel
convoqua le Concile, réhabilita Giovanni Battista Montini, le futur Paul VI,
marquant le début d’une nouvelle époque, l’ère « post-Pie XII » de l’Église.
La « thèse Siri » est née chez des
catholiques traditionalistes qui en vinrent à croire que « quelque chose
était allé de travers » dans l’Église après le conclave de 1958 qui
suivit la mort de Pie XII considéré, en conséquence, comme le « dernier vrai
Pape ».
Ceux qui croient à cette « thèse » font donc
partie des « sédévacantistes », qu’on pourrait qualifier de «
sédé-empêchistes », c’est-à-dire ceux qui croient que les cinq derniers
papes sont des « anti-papes » et que Siri demeura le « vrai Pape » jusqu’à
sa mort en 1989, mais qu’il fut « empêché » d’agir comme évêque de
Rome.
La « thèse Siri » est bâtie sur un
point-clef : l’affaire de la « fumée blanche » qui apparut, un court
instant, le 26 octobre 1958, avant de devenir noire. La thèse c’est que Siri
fut élu, que la fumée blanche manifesta son élection, mais que sa couleur
devint noire quand le conclave annula et renversa son élection.
Le point-clef de la preuve de cette théorie, c’est
l’article écrit par Silvio Negro pour l’édition du soir du Corriere
della Sera (Milan, Italie) du 27 octobre 1958.
Mais, selon Gibson aîné, l’article de Negro
a été compris de travers par les adeptes de la « thèse Siri ». Negro traite
d’un événement du conclave de 1939, dont la fumée fut aussi un mélange
indiscernable de blanc et de noir, jusqu’à ce que le secrétaire du conclave,
un certain Monsignore Santoro, fit parvenir un billet à Radio Vatican pour
préciser que quoiqu’on ait perçu de la couleur, elle était bien blanche et
que le cardinal Eugenio Pacelli avait été élu en tant que pape Pie XII.
Dans la lettre de décembre de Gibson l’aîné,
toutefois, la « thèse Siri » est dénoncée comme fausse, construite sur une
érudition de pacotille et sur une analyse des faits insuffisante.
Les adeptes de la « thèse Siri », sans doute
en raison de leur manque de familiarité avec la langue italienne, avaient
compris de travers l’article de Negro, et avaient conclu qu’il traitait du
conclave de 1958. Ainsi, pour les adeptes de la « thèse Siri », Monsignore
Santoro avait fait parvenir, depuis le conclave, un billet disant que, quelle
que soit la couleur de la fumée, un pape avait été élu. Cependant, comme le
remarque Gibson aîné dans sa lettre d’information de décembre, il y a un
gros problème : Santoro ne fut pas du tout le secrétaire du conclave de 1958,
mais celui du conclave de 1939. Toute la « thèse Siri » n’était fondée
que sur une lecture fautive d’un article d’un quotidien italien.
Cette « thèse Siri » n’est pas la seule à
circuler dans les cercles traditionalistes pour expliquer les malheurs
contemporains de l’Église, mais elle en est arrivée à être crue par des
centaines, voire des milliers de gens dans le monde entier, selon ce que Inside
the Vatican a appris de différentes sources du mouvement traditionaliste.
Gibson aîné et quelques-uns de ses associés
ont confirmé à Inside the Vatican que la « thèse Siri », que Gibson
aîné « déboulonne » dans la livraison de sa lettre d’information de
décembre 2005, possède encore des adhérents dans presque tous les pays du
monde.
Nous avons trouvé cette analyse de Gibson
aîné intéressante en ce qu’elle révèle deux choses :
1/ Comment des gens suspicieux quant au changement (dans ce cas des catholiques
traditionalistes) peuvent s’accrocher à des théories indéfendables pour
expliquer des réalités troublantes.
2/ Comment l’acceptation de théories pourtant méticuleusement criblées,
afin de valider leur conformité à la recherche de la vérité, peut continuer
à se maintenir dans ces mêmes cercles catholiques traditionalistes.
Savoir
se remettre en cause
Comme
nous l’a dit un des associés de Gibson aîné : « Si la vérité sur notre
état de confusion doit être faite et comprise, le premier pas devra être pour
ceux qui suspectent Rome et les derniers pontifes, à s’engager eux-mêmes à
rechercher la vérité même si elle va contre des positions fortement ancrées
qu’on maintient sans preuve ».
Ainsi, la « thèse Siri » a été démantelée
par des membres « de l’intérieur » de ce même milieu catholique
traditionaliste, qui avaient été, par principe, favorables à cette idée.
Cela révèle que, malgré leur confusion
compréhensible quant à la situation de l’Église en ce début du XXIe
siècle et leur mécontentement obstiné envers ceux qui dirigent l’Église
à Rome, ces catholiques traditionnels possèdent une énorme bonne volonté, c’est-à-dire
qu’ils s’obligent à chercher la vérité et non des « théories
conspirationnistes » sans fondements.
Comme l’a écrit en janvier à Inside the
Vatican, l’un de ces catholiques traditionnels impliqués dans la
controverse : « L’amour de la vérité que manifeste M. Hutton Gibson et d’autres,
est fondé sur le conseil donné par saint Anselme à son disciple : “Tu ne
dois pas te cramponner ainsi à ce que nous avons dit, et pas davantage le
soutenir obstinément, quand d’autres, avançant des arguments de meilleurs
poids, réussissent à renverser les nôtres et à établir des opinions contre
eux”, et plus loin “Si quelque chose exige la correction, je ne refuse pas
la correction”.»
Si telle est la perspective des plus radicaux
des catholiques traditionalistes, alors il y a lieu de rester optimiste quant à
la possibilité d’en arriver à une sorte de réunion des esprits sur les
problèmes qui troublent le plus les catholiques traditionalistes, notamment les
changements dans la liturgie de l’Église, dans ses rituels d’ordination des
prêtres et de sacre des évêques.
Avec ce nouveau pontificat, le temps pourrait
être venu pour les catholiques traditionnels et la « Rome conciliaire » de «
raison partager » afin de trouver le moyen de cheminer dans un monde compliqué
et confus.
Par
la rédaction de Inside
the Vatican
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