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Les gaietés du ghetto
Laurent Lineuil - Éditorial
Objections - n°5 - avril 2006

Ça n’est pas encore un fait, c’est déjà plus qu’une rumeur : à l’heure où nous bouclons ce numéro, Benoît XVI n’a pas encore pris cette initiative à destination des traditionalistes qu’on pressent depuis des mois, mais déjà des canaux officiels en ont annoncé l’imminence : c’est Radio Vatican qui, le 6 avril, annonce la prochaine libéralisation de l’usage du rite traditionnel ; le lendemain, c’est le communiqué final de l’Assemblée des évêques de France qui indique, avec un bonheur mitigé, que le pape, « dans les semaines ou les mois qui viennent, (…) devrait donner des directives pour faciliter le chemin vers un retour possible à une pleine communion ».

Lui qui ne se cache pas de procéder délibérément avec lenteur, Benoît XVI a pourtant inscrit rapidement à l’ordre du jour, parmi les dossiers urgents, celui du traditionalisme. Cela n’allait pas de soi. Sous le pontificat de Jean-Paul II, on a parfois eu le sentiment que la question posée par Mgr Lefebvre et ceux qui, à un titre ou à un autre, sont ses héritiers ou ses débiteurs, était traitée avec une désinvolture qui trouvait son prétexte dans les chiffres : après tout, les traditionalistes, avec leurs quelques milliers de prêtres de par le monde et leurs petites centaines de milliers de fidèles, que représentent- ils à l’échelle de l’Église universelle ?

Benoît XVI a bien compris que ce calcul paresseux était faux : non parce qu’il serait, comme les médias ne manqueront pas de le dire en cas d’accord, un incurable réactionnaire. Mais parce qu’il est conscient qu’au moment où « la barque de l’Église prend eau de toute part », ce n’est que par la fidélité au dépôt de la foi qu’on l’amènera à bon port. Et que ce « dynamisme de la fidélité », selon son expression, il est impossible de le mettre en œuvre en laissant à la porte ceux qui, bravant les condamnations et les persécutions, ont été longtemps les meilleurs défenseurs, et parfois presque les seuls, du dogme, de la liturgie, du sacré.

Alors que Benoît XVI nous invite à travailler avec lui à relire le Concile « guidés par une juste herméneutique », à l’aider à lutter contre « la dictature du relativisme » et à retrouver une liturgie qui n’obscurcisse plus la foi, les traditionalistes ont plus que jamais un rôle à jouer qui dépasse de très loin leur importance numérique. Comment rester passifs dans ce travail de relecture, laisser à d’autres le soin de cette herméneutique ? Comment, dans ce débat qui s’ouvre, ne pas peser de tout le poids de notre fidélité, de notre expérience, des combats et des réflexions menés depuis des décennies ? Comment, dans ce pontificat qui s’annonce décisif, demeurer comme si de rien n’était à laper notre petit potage dans nos petits prieurés ? Comment ne pas saisir l’occasion qui se présente de faire rayonner au-delà de nos petites chapelles les beautés et la vérité de la liturgie traditionnelle ?

Mais, nous dira-t-on, comment être sûrs que les remèdes choisis par Benoît XVI à ce que Rome n’hésite plus à diagnostiquer comme une crise de l’Église iront dans le sens que nous souhaitons ? Le pape sait-il même précisément où il va ? Et bien, raison de plus : n’est-ce pas justement parce que les choses ne sont pas figées, que les pistes tracées restent encore bien incertaines, que nous avons le devoir de faire tout pour être en mesure d’influer sur les choix ?

Certes, tous les problèmes ne seront pas résolus comme par enchantement, bien des désaccords demeurent et demeureront, le combat ne cessera jamais. Tout en affirmant que les évêques « mettront en œuvre fidèlement » les directives du pape, Mgr Ricard s’empresse de poser les limites de cette “fidélité” : « Elle ne saurait tolérer un refus systématique du Concile, une critique de son enseignement et un dénigrement de la réforme liturgique que le Concile a décrété. » En somme : Bienvenu, et vos gueules ! Il est au contraire évident que les traditionalistes ne pourront œuvrer efficacement à la remise en ordre de l’Église que si celle-ci les accepte tels qu’ils sont, avec leur liberté de parole. Et cette liberté, ne nous leurrons pas, il faudra la défendre pied à pied, avec acharnement. Mais si elle nous est promise et garantie par le souverain pontife, combien ne serions-nous pas coupables de refuser « les bras ouverts » que nous tend le cardinal Castrillon Hoyos pour y préférer l’intimité sans risque et sans héroïsme de notre confortable petit ghetto !

 

 

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