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Plaidoyer
pour la charpente
Abbé
G. de Tanoüarn
Objections
- n°4 - mars 2006
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A la fin du XIXe siècle, ceux que l’on nommera les “modernistes” ont
mené contre la Hiérarchie catholique un combat intellectuel, au nom de la
rigueur scientifique, appliquée au Texte sacré. Au XXIe siècle, le nouveau modernisme a renoncé à cette
prétention scientifique. Il relativise les dogmes au nom des droits
imprescriptibles de la subjectivité du lecteur. On n’invoque plus une
science, qui, à l’usage, se révèle incapable de produire des certitudes.
Désormais, c’est à l’herméneutique que l’on s’en remet pour
comprendre la Bible. Le “sens” des Ecritures sacrées n’est pas dans le
texte. Il procède de la lecture.
Le
modernisme n'est pas seulement une hérésie, au contenu précisément
déterminé, niant tel ou tel aspect du dogme de la foi. C'est l'hérésie
radicale, celle qui nie qu'il puisse y avoir des dogmes. Nous lui avons
consacré ce petit dossier à l'occasion de la publication du livre de
Laplanche, La crise de l'origine, pour bien montrer comment cette négation
emprunte des voies différentes au fil du siècle dernier, mais toujours pour
les mêmes résultats. L'herméneutique offre une sorte de quintessence de cette
négation des dogmes, sans jamais aborder la question de front. Il paraît
acquis qu'un lecteur ne lit pas la même chose dans le même texte hier ou
aujourd'hui. A
ce train-là, que restera-t-il de la foi ? Rien.
Alfred Loisy disait : « Une nouvelle époque se prépare sur les ruines des
anciens temples et des anciennes religions. Du
christianisme, il ne restera que l'esprit, non la charpente ».
Que
pouvons-nous répondre à de telles prophéties ? Que la science des textes est
une longue aventure. Cajétan, au XVIe siècle, entendait se garder « du torrent des docteurs »,
qui se pillent et se recopient les uns les autres. Le ratage esthétique,
culturel et doctrinal de la nouvelle Bible Bayard, où chaque livre du grand
Livre est confié à un “auteur littéraire”, indépendamment de son savoir
et au seul titre de son statut de lecteur occasionnel de la Bible, nous indique
qu'il importe aussi de se garder d'un autre torrent : celui des lecteurs, qui
lisent et qui disent n'importe quoi.
Contre
cet éclatement par l'interprétation, il faut répéter, n'en déplaise à
Loisy, que la charpente est plus importante que les ardoises et que, sans les
formes, liturgiques et théologiques de la foi, il n'y a
pas de transmission possible!
Contre
le modernisme sans cesse mutant, l'Église ne pourra pas faire l'économie d'un
retour aux formes de sa Tradition.
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