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Mourir pour Jérusalem
Joël Prieur
Objections - n°4 - mars 2006

« Voici, je ferai de Jérusalem une coupe d'étourdissement pour tous les peuples. Ce jour là je ferai de Jérusalem une pierre pesante pour tous les peuples ». C'est la sainte Ecriture hébraïque qui s'exprime ainsi. Ugo Rankl, citant ce passage du prophète Zacharie, semble s'être fixé comme tâche, dans ce livre sans équivalent, de montrer comment pèse sur Jérusalem ce que les juifs nomment « la colère de Dieu ».

J'entends d'ici tel petit esprit occidental, formé à l'austère discipline scientifique, réclamant de la rigueur et évoquant le problème de Jérusalem comme une pomme de discorde purement politique, dressant les uns contre les autres les peuples qui entendent dominer cette région.

Dans notre perspective rationnelle, il n'y a pas d'effectivité purement religieuse. Le religieux doit rester une “superstructure” comme disait Karl Marx. En employant ce terme barbare de superstructure, il voulait dire: le religieux n'est rien d'autre qu'un fantasme justificatif, instrumentalisé par les classes dominantes. L'action politique de facteurs religieux? Cela est impensable…

Jérusalem, nombril du monde

Eh bien! Dans cette petite partie du monde, en laquelle d'aucuns, juifs ou musulmans, ont voulu voir, pour le monde, un ombilic plus probant que celui de Delphes en Grèce, c'est le facteur religieux, c'est le facteur civilisationnel qui est partout présent. Quant à la politique, trop souvent elle est dramatiquement absente. On a l'impression que les principaux protagonistes ne parviennent pas à maîtriser la fureur des événements et l'injustice des circonstances.

L'auteur de ce livre sur Jérusalem a-t-il pris parti pour les uns et contre les autres? Pour les Israéliens contre les Palestiniens? Pour les Palestiniens contre les Israéliens? Le sujet est tellement passionnel que cette question, il est légitime de se la poser immédiatement.

Mais c'est avant tout en enquêteur que Ugo Rankl nous parle de cette ville qu'il a voulu faire sienne depuis quelques années. C'est sur ses rencontres qu'il a construit ce livre. Toujours aux extrêmes. Quant à lui, il laisse parler les uns ou les autres. Tel leader palestinien, pourvoyeur de d'islamikases. Tel rabbin ultra-religieux, auteur de prêches enflammés et partisan de la méthode violente, sans l'ombre d'un état d'âme. Voici par exemple le cheikh Raed, revendiquant devant Rankl, son hôte d'un moment, le caractère arabe de la ville et martelant que «le Mont du Temple (emplacement de l'ancien Temple de Jérusalem) n'existe que dans l'imagination des juifs». Et il continue: «Le joyau de Jérusalem s'appelle Aram ash Sharif (l'esplanade des Mosquées, qui occupe actuellement l'emplacement exact du Temple détruit par les Romains en 70). C'est comme cela que les musulmans appellent cet endroit que Dieu leur a donné et que les juifs veulent leur voler au nom de légendes hérétiques». Sur le même sujet - à qui appartient Jérusalem, à qui est la Terre sainte? - les extrémistes juifs ne sont pas en reste, au moins du point de vue de la rhétorique: Zvi Yehuda Cook s'écrie par exemple: «Ici, il n'y a pas de terre arabe. C'est notre héritage divin. Plus le monde s'habituera à cette idée, mieux cela vaudra pour lui et pour nous».

Une seule terre sainte pour deux croyances. Pas de sacrements. Les Chrétiens, eux, n'ont que faire d'inscrire leur culte et leur destin en un lieu donné: Le véritable sacrifice sera offert sur toute la terre avait dit le prophète Malachie. Telle est la puissance d'un sacrement: il peut être offert sur n'importe quel point du Globe. «L'heure vient, dit Jésus, où ce n'est ni à Jérusalem ni sur cette montagne (le Mont Garizim, Haut-lieu du culte samaritain) que l'on adorera le Père. Les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en Vérité». Le christianisme se trouve donc en dehors de cette confrontation sanglante pour la Terre. Certes sur la Sainte Montagne, lui aussi a sa Relique. Il vénère le Saint Sépulcre du Christ. Certes, pour défendre ce Saint Sépulcre, il y a eu les Croisades. Question de respect! Volonté aussi de répondre aux incursions permanentes des musulmans en Europe. Mais la Terre n'est pas, elle ne peut pas être, pour le chrétien, une question de vie ou de mort.

Le Saint des Saints à l’emplacement de la Mosquée

Pour le juif pieux, en revanche, Dieu a inscrit sa présence sur les quelques arpents de cette Montagne sainte, le Mont Sion. S'il était possible de faire des fouilles sur l'Esplanade et dans la Mosquée Al-Aksa, on retrouverait certainement l'emplacement du Saint des Saint, cet endroit sacré où Dieu a voulu résider parmi les hommes. Un jour (il n'appartient pas à l'homme de savoir comment) la colère de Dieu emportera les Mosquées. On pourra enfin retrouver le Lieu trois fois saint où Dieu a voulu habiter parmi les hommes. Alors, le Mur des Lamentations ne sera plus ce signe… lamentable, où les juifs viennent pleurer le Sacrifice perdu et le Temple détruit. Enfin le Temple sera reconstruit.

Quant aux Musulmans, ainsi que l'a montré ici-même le Père Gallez (cf. Objections n°2), ils portent, inscrit dans leurs gènes spirituels, cet attachement viscéral à «la Terre». Pour eux aussi, dans le dessein de Dieu, cette terre est une Terre sainte. Qui la possède, tient le signe visible de la Bénédiction de Dieu! C’est pour cela que la Mosquée d'Omar, dès l'origine de l'islam (638), a remplacé le Temple. Aujourd’hui, les prédications du Cheikh Sabri, Grand Mufti de Jérusalem, qui fut le bras armé de Yasser Arafat ne disent rien d'autre que cela. Le Dôme du Rocher est le Signe de la Domination mondiale, promise à l'islam et non aux juifs…

Ces considérations enfiévrées peuvent paraître étrangères à notre culture rationnelle comme à l'universalisme chrétien. Là-bas, il n'en est pas ainsi.

Il y a, malheureusement, une foi de trop à Jérusalem!


U. Rankl, Jérusalem ou la colère de Dieu, éd. des Syrtes, nov. 2005, 348 pp. 25 euros

 

 

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