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Juif, mon frère ?
Benoît XVI et le grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni
abbé Paul Aulagnier
Objections - n°3 - février 2006

Le lundi 16 janvier 2006, Benoît XVI recevait au Vatican le grand rabbin de Rome Riccardo Di Segni et sa suite. Il leur a adressé des paroles très accueillantes, courtoises, affectueuses, admiratives même devant la protection divine qui, toujours, entoura le peuple juif, dans les pires moments de son histoire, dans les périodes les plus terribles de l’antisémitisme. Avec eux, le Pape loua le Seigneur de cette particulière protection, leur donnant la force de surmonter les épreuves.

«Le peuple d’Israël a été libéré à différentes reprises de la main de ses ennemis, et au cours des siècles de l’antisémitisme, dans les moments dramatiques de la Shoah, la main du Tout-puissant l’a soutenu et guidé. La prédilection du Dieu de l’Alliance l’a toujours accompagné en lui donnant la force de surmonter les épreuves. De cette attention divine pleine d’amour, votre communauté juive, présente dans la ville de Rome depuis plus de deux mille ans, peut elle aussi rendre témoignage.»

Ce sont là paroles particulièrement élogieuses. D’aucuns pourraient dire qu’elles sont de circonstance!

Mais, il alla plus loin encore. Il osa même confesser que l’Église est, du peuple juif, non seulement «proche », - plus que d’aucun autre peuple - mais même « l’amie » et qu’à ce titre, elle lui porte véritable «amour». Plus même, elle le considère comme un peuple « frère », il est même un frère « très cher et préféré ». Et le pape de se fonder sur la parole de saint Paul aux Romains au chapitre 11, verset 28, qu’il faut citer dans son intégralité : «Il est vrai, en ce qui concerne l’Évangile, ils sont encore ennemis à cause de vous; mais en ce qui concerne l’élection, ils sont aimés à cause de leurs pères. Car les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance».

À cette lumière, on peut lire maintenant la phrase du pape: «L’Église catholique est proche de vous et est une amie. Oui, nous vous aimons, et nous ne pouvons pas ne pas vous aimer, à cause des Pères : par eux, vous nous êtes des frères très chers et préférés » (cf. Épître de saint Paul aux Romains 11, 28b).

Vous remarquerez qu’ici, le pape Benoît XVI ne parle pas comme le fit Jean-Paul II, de «frères aînés ». Il parle de « frères très chers et préférés ».

Nous remarquerons également cette phrase : «Dans le Christ, nous avons part à votre héritage même des Pères, pour servir le Tout-puissant, « sous le même joug » (Livre du prophète Sophonie 3, 9), greffés sur le même saint tronc (cf. Isaïe 6, 13; Romains 11, 16) du Peuple de Dieu». Ces phrases, reconnaissons-le, sont particulièrement fortes… Mais sans les mots « à cause des Pères » et, dans la seconde phrase, « dans le Christ », oui, sans ces deux mots, ces phrases ne seraient pas justes. Avec ces mots, elles trouvent leur intelligibilité.

Elles exigent cependant une explication car elles pourraient être équivoques… Pour avoir la bonne intelligence de ce passage du discours du pape, il faut avoir bonne théologie du peuple hébreu. Il faut se souvenir que le peuple juif, sa vocation, sa mission, est de porter le mystère de Dieu à travers les siècles. Comme le dit Julio Meinvielle, c’est un peuple «théologique» que Dieu crée pour Lui.

Pour montrer la vérité de ces propos, il suffit de se rappeler le récit de la Genèse au chapitre 21. C’est l’histoire d’Ismaël et d’Isaac. Dieu donne à Abraham deux fils, l’un de son esclave Agar, qui naît de façon naturelle et reçoit le nom d’Ismaël. L’autre que, contre tout espoir, lui enfante sa femme Sara, dans sa vieillesse, conformément à la promesse de Dieu et qui est appelé Isaac. Avec Isaac et avec sa descendance après lui, Dieu confirme le pacte conclu avec Abraham.Mais comme Ismaël, le fils de l’esclave, se moquait d’Isaac et le persécutait, Abraham, sur l’instance de Sara, sa femme, et conformément à l’ordre de Dieu, dut le renvoyer de chez lui.

Saint Paul nous explique qu’en Ismaël et Isaac sont préfigurés deux peuples (Gal 4). Ismaël qui naît le premier d’Abraham comme fils naturel de son esclave Agar, figure la Synagogue des juifs qui se fait gloire de venir de la chair d’Abraham. «Nous avons Abraham pour père.»

Un seul peuple

Isaac, par contre, qui naît miraculeusement d’après la promesse divine, de la stérile Sara, représente et figure l’Église, qui est née, comme Isaac, par la foi en la promesse du Christ. Ce n’est donc pas la descendance charnelle d’Abraham qui sauve, mais son union spirituelle par la foi au Christ.

Ce n’est pas par son union charnelle avec Abraham, mais en s’assimilant dans la foi, en croyant au Christ, que le peuple juif, formé en Abraham, pourra atteindre son salut.

Autrement dit, tous ceux qui s’unissent au Christ forment la descendance bienheureuse d’Abraham et des Pères et sont l’objet des divines promesses. Et sous ce rapport, et à cette condition, les juifs sont nos « frères très chers et préférés », nos «amis». C’est même d’eux que l’Église prend racine. Et sous ce rapport, parce que les gentils et les juifs, donnent leur foi au Christ, ils sont «greffés sur le même saint tronc» dira le pape à juste titre.

Mais s’il arrivait - et c’est arrivé - que ce peuple juif ou une partie de ce peuple, uni par des liens charnels à Abraham, croit que cette seule union généalogique soit celle qui justifie et qui sauve, il ne serait plus ni nos «amis», ni nos « frères », « ni très chers ni préférés ». Ils ne seraient plus ce «saint tronc» sur qui se greffer. Au contraire. Ils seraient nos « ennemis» et nos «persécuteurs »…comme le fut - et cela est advenu en figure - Ismaël d’Isaac.Comme Ismaël persécutait Isaac, la Synagogue persécuta et persécute l’Église et son plus beau fruit, la chrétienté. Saint Paul l’écrit : «Mais comme alors l’enfant de la chair persécutait l’enfant de l’esprit, il en est encore ainsi maintenant» (Gal 4 29).

«Jusqu’à quand doit se prolonger cette inimitié terrible entre le juif et le chrétien? Jusqu’à ce que la miséricorde de Dieu dispose le temps de la réconciliation. Saint Paul nous enseigne que viendra le jour où Israël reconnaîtra Celui qu’il a renié: «Mais je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, de peur que vous ne vous complaisiez en votre sagesse: une partie d’Israël s’est endurcie jusqu’à ce que soit entrée la totalité des païens. Et ainsi, tout Israël sera sauvé selon ce qu’il est écrit: «Le libérateur viendra de Sion, et il éloignera de Jacob toute impiété; et ce sera mon alliance avec eux, lorsque j’ôterai leurs péchés».

Et alors tous, gentils et juifs, ne formeront qu’un seul peuple dans le Christ, et la paix se réalisera comme le fruit de la justice et de la charité en Celui qui, promis à Abraham, à Isaac et à Jacob, nos Pères, est Jésus-Christ, Bénédiction de tous les peuples, pour les siècles des siècles.

 

 

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