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Johnny Cash, chanteur de l’Apocalypse
Laurent Lineuil
Objections - n°3 - février 2006

C’est l’histoire d’un petit garçon pauvre qui apprit la musique dans le livre de cantiques de sa mère, et voulait devenir chanteur de gospel.

On était dans les années cinquante, aux Etats-Unis, il mit du rock et de la country dans son gospel. Comme l’heure était aux excès et notre homme un perfectionniste de l’espèce tourmentée, il poussa ces excès plus loin que la moyenne. Il y eut une descente aux enfers, les amphétamines dont il se gavait littéralement, la débauche, l’humeur de plus en plus sombre et violente, tous les signes extérieurs de l’autodestruction. Plusieurs arrestations pour consommation de drogues ou déprédations diverses, une tentative de suicide, le divorce. Puis un remariage avec June Carter, chanteuse de country depuis sa tendre enfance, animée par une foi profonde, qui va remettre Johnny Cash sur les rails, le débarrassant de son addiction et le ramenant à la pratique religieuse. Il y a surtout l’œuvre de Cash, balançant sans cesse entre l’appel du mal, la honte de se sentir piégé par lui et l’espérance du pardon divin et de la vie éternelle. Autant dire que si Cash intègre sa foi chrétienne à sa musique, on n’est pas là dans le registre de la bondieuserie sulpicienne ou dans les niaiseries idéalistes de la “pop-louange”.

Bientôt un film

Johnny Cash est mort en 2003, quelques mois après sa femme June, mais il n’a jamais quitté les feux de l’actualité. Le producteur Rick Rubin, qui depuis 1994 avait tiré Johnny Cash, avec ses American Recordings, de la déchéance artistique où il était tombé au cours des années quatre-vingt, a depuis publié Unearthed, un somptueux coffret (réédité le 6 février) de cinq CD d’inédits de Cash, dont un consacré aux chansons du livre de cantiques de sa mère, My Mother’s Hymn Book. En novembre 2005 est parue la traduction française de Johnny Cash, l’autobiographie. Et le 15 février verra sur nos écrans la sortie de Walk the Line, biographie romancée de Cash, signée James Mangold. Le film vaut surtout par ses acteurs, l’impressionnant Joaquin Phenix qui fait parfaitement ressentir la tension d’un personnage toujours sur la corde raide, et Reese Witherspoon en June Carter, qui incarne l’appel de la lumière. Insistant sur la culpabilité de Cash vis-à-vis de la mort de son frère aîné alors qu’ils étaient enfants, le film, efficace et remarquablement conduit, banalise cependant son itinéraire, réduit à un énième avatar des affres de la “rock’n’roll attitude”. Et occultant presque l’aspect chrétien du personnage et de sa musique.

Il est vrai qu’aux yeux de l’Amérique pasteurisée, Cash est resté jusqu’au bout un chrétien sulfureux, ne niant pas l’attrait que n’ont cessé d’exercer sur lui les drogues ni la nostalgie continue du péché, assumant parfaitement, sous sa défroque d’“homme en noir” - surnom que lui a valu sa chanson the Man in Black -, sa face sombre, justifiant ses innombrables concerts en prison par le fait que les délinquants l’aimaient parce qu’ils savaient bien qu’il était l’un d’entre eux. « Je porte le noir pour les pauvres et les humiliés, ceux qui vivent dans la ville affamée et sans espoir », chantait-il. Dans le film, à un responsable de sa maison de disques qui s’oppose à ce que Cash enregistre son prochain disque lors de l’un de ces concerts (ce sera le fameux At Folsom Prison) en arguant que son public chrétien serait choqué qu’il joue pour un ramassis de violeurs et d’assassins, Cash rétorque, superbe : «Alors, ce ne sont pas des chrétiens. »

Cette oscillation entre la fascination du mal et la certitude du bien, on la retrouve sans cesse dans ses chansons. L’un de ses premiers succès fait claquer ces mots : « J’ai tué un homme à Reno juste pour le voir crever. » Son dernier album contiendra encore une reprise d’une chanson de Sting, I Hung My Head, où un jeune garçon raconte qu’il a tué un homme sans savoir pourquoi, ou encore le magnifique Hurt, avec ces mots terribles : « Je me suis encore fait du mal, pour voir si je suis encore capable de sentir », chantés de sa célèbre voix de baryton, rendue encore plus caverneuse par la maladie de cet homme de 70 ans, qui jusqu’à la fin voulut chanter malgré le syndrome de Parkinson, le diabète, la pneumonie chronique, la mort de sa femme… Cette voix qui conférait à toutes ces chansons un inimitable parfum de sincérité et de vérité, parce qu’elle donnait à entendre que celui qui les interprétait savait de quoi il parlait, pour avoir tutoyé les abîmes et traversé des déserts où il s’en était fallu de peu qu’il ne périsse.

Du péché à la rédemption

Dans la vidéo de Hurt, magnifique film testamentaire qui retrace toute sa carrière, il n’a pas hésité à mêler aux souvenirs de celle-ci des images des clous s’enfonçant dans la chair du Christ, pour mieux rappeler les misères et les fautes dont furent mêlés ses accomplissements artistiques. Et le même homme qui écrivit Folsom Prison Blues (« I shot a man in Reno…») était assez audacieux pour mettre en musique les mots de l’Apocalypse (The Man Comes Around) ou de la première épître aux Corinthiens : «Mort, où est ton aiguillon ? Mort, où est ta victoire?», ou encore consacrer une chanson au sang rédempteur du Christ (le magnifique Redemption).

Figurant dans Unearthed, la chanson n’est pas de lui, mais rien ne résume mieux Johnny Cash que les paroles de Singer of songs : « Je ne suis pas un prophète et je ne suis pas un saint, je ne vous dirais pas ce qui est bien ou mal, mais je peux vous emmener dans la ville où un Homme fut crucifié, vous dire comment Il vécut et pourquoi Il est mort, et aider à proclamer la gloire de ce Roi des rois ; oui, je peux faire cela avec les chansons que je chante. »

 

 

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