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Un
échec de la tolérance
Jean Michel
Hardy
Objections
- n°3 - février 2006
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Ce
sont les 12 caricatures de Mohammed, publiées fin septembre dans un obscur
quotidien danois le Jyllens Posten et opportunément re-découvertes à la fin
du mois de janvier, qui ont mis le feu aux poudres… Comme si les Danois qui
s'étaient payé la tête du Prophète nous faisaient involontairement
découvrir le vrai visage de cet islam intolérant et revendicateur…
Comme
d'habitude, c'est la diplomatie vaticane qui a donné le la dans cette crise des
caricatures, qui prend une dimension mondiale. M. Navarro Vals, porte-parole
officiel de la papauté, a déclaré, dès que l'affaire des caricatures a
éclaté, soit le 4 février : « Le droit à la liberté de pensée ou
d'expression, affirmée dans la Déclaration des droits de l'homme ne peut pas
impliquer le droit d'offenser le sentiment religieux des croyants ». Ce disant,
le Vatican semble faire chorus avec les pays musulmans. Mais Navarro Vals
ajoute, en sens inverse : « L'intolérance réelle ou verbale, de quelque
côté qu'elle vienne, comme action ou comme réaction, constitue toujours une
menace pour la paix ». Le langage est châtié, mais la critique n'est pas
voilée. Le Vatican lutte contre ce qu'Alain Finkielkraut nomme « la
planétarisation de la haine ». L'islam s'autorise à exercer des représailles
massives (pour l'instant purement verbales, mais sait-on jamais ?) sur tous ceux
qui de près ou de loin peuvent être considérés comme à l'origine des
fameuses caricatures.
Danois
? Tous coupables !
Les
caricatures sont parues au Danemark ? Qu'à cela ne tienne ! Tous les Danois
sont responsables sur toute la Planète. À Djakarta, un consulat de ce petit
pays paiera pour le Jyllens Posten, ce journal qui a “osé”… Plus grave :
les Occidentaux semblent admettre le principe de ces représailles
indifférenciées sur tous les Danois. En Égypte, la chaîne française
Carrefour laisse intentionnellement vides les rayons qui proposent des produits
danois, avec cette explication qui laisse pantois : « In solidarity with the
Islamic and Egyptian community, Carrefour don't carry Danish product »…Quant
à la firme suisse Nestlé, elle soigne sa communication dans les pays arabes en
soulignant, par manière de publicité, que les produits Nestlé ne viennent pas
d'un pays où l'on fait des caricatures. Dans les années 60, il y avait,
partout en Occident ceux que l'on appelait, non sans mépris, des idiots utiles,
poissons pilotes de la Révolution communiste et autres dhimmis de la pensée
marxistes. Eh bien ! Aujourd'hui on constate que les instances les plus
officielles cherchent à “calmer le jeu” avec l'islam, en reprenant, toute
honte bue, l'argumentation et en défendant les procédés des islamistes. À
l'ouest, rien de nouveau.
Plus
inquiétant encore, une fois de plus les juifs sont considérés par tel ou tel
imam comme “les vrais responsables” de cette agression du sentiment
religieux musulman. Résultat? À Londres, les musulmans défilent en criant :
«Le véritable holocauste va commencer». À Téhéran, un grand quotidien
lance un concours de caricatures sur la Shoah. Premier dessin publié : Hitler
au lit avec Anne Franck…
En
quête de fatwa
Que
se cache-t-il derrière cette mayonnaise qui monte ? Vraisemblablement surtout
une officine musulmane aux ramifications internationales, les Frères musulmans;
et une volonté de faire exploser une querelle, dont l'occasion apparaît
pourtant bien limitée… Tellement limitée que le grand imam de Copenhague
qui, voyant que rien ne bougeait dans son pays, est allé chercher une fatwa en
Égypte, en montrant les caricatures aux “juristes musulmans” de
l'Université cairote d'Al Azhar, a cru bon de rajouter aux douze croquis
fatidiques des dessins qui n'avaient rien à voir, exécutés en France à
l'occasion d'un concours villageois, où l'on tentait de tirer graphiquement un
visage d'homme d'un groin de cochon. Cette innocente initiative - “franchouillarde”
et sans enjeux - a donné lieu à un montage des musulmans eux-mêmes: «
Mohammed, caricaturé en porc »…
Avançons
une hypothèse, qui donne à l'affaire ses véritables dimensions. En fait de
caricature, il s'agit surtout de victimiser l'islam, pour protéger, à travers
l'écran de fumée de la bonne conscience médiatique internationale, les
recherches atomiques effectuées par l'Iran intégriste et pour assurer la
victoire électorale des jusqu'au boutistes du Hamas en Palestine…
Les
Frères musulmans ont compris que la victimisation était une arme, dans un
paysage mondial encore dominé par le vieux réflexe chrétien de l'aide aux
victimes. Ce qui est inquiétant, c'est qu'apparemment, cette arme, nouvelle
pour eux, ils ne savent pas encore très bien s'en servir…
Charlie
se trompe de siècle
Mettons
de côté la géopolitique, affaire de spécialistes. Ce qui frappe dans ce “scandale
des caricatures”, et ce pour quoi je lui donne ici ce relief, c'est d'abord
qu'il a permis d'introduire la notion de représailles comme parfaitement
justifiable. Ce concept primitif (digne des vieux rezzous d'antan), est érigé
par certains comme un principe admissible, qui permet de blanchir les réactions
les plus violentes. Voilà pour l'islam, qui est loin d'avoir saisi dans toute
leur complexité les mécanismes postchrétiens de la victimisation médiatique.
Quant
à nos vieux pays, que découvrent-ils? Pour une fois, je citerai ici la
réaction du cardinal Achille Silvestrini : « La culture occidentale doit
trouver une limite à sa prétention de faire de la liberté un absolu». Toutes
les injures ne sont pas solubles dans la liberté ! Lorsque Philippe Val
déclare, au nom de Charlie Hebdo : « La liberté du blasphème fait partie de
notre vocation », il se trompe de siècle. Il serait temps qu'il s'en rende
compte.
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