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La stratégie de Bouteflika
La colonisation comme bouc émissaire
Pierre Voisin
Objections - n°3 - février 2006

Une «cécité mentale, confinant au négationnisme et au révisionnisme…» C’est ainsi qu’Abdelaziz Bouteflika, a qualifié l’amendement voté le 23 février 2005 par l’Assemblée nationale française, qui reconnaissait des «aspects positifs» à la colonisation.

Le président algérien ne laisse jamais passer une occasion de donner à la France une de ces marques d’estime. À l’entendre, les soldats français se conduisirent en Algérie comme des nazis et les harkis n’étaient que des «collabos». Les termes «révisionnisme» et «négationnisme » s’inscrivent dans ce contexte. Le but: obtenir des Français une confirmation officielle de la légende noire algérienne et, si possible, une «repentance» qui consacrerait une créance morale, sinon un droit à réparation de l’Algérie indépendante sur son ancienne tutrice.

Une créature du FLN

«Boutef» reste ainsi fidèle à l’engagement de sa jeunesse, qui le vit rejoindre le Front de Libération National (FLN) algérien, en 1956.

Toute sa carrière s’inscrit dans les rangs de ce mouvement, devenu parti unique après l’indépendance. Membre du bureau politique du FLN, il se voit confier en 1962 le ministère de la Jeunesse et du Tourisme dans le gouvernement de Ben Bella, puis un an plus tard celui des Affaires étrangères, qu’il conserve jusqu’à la mort du président Boumedienne, en 1978. Il met en œuvre une politique philo-soviétique et tiers-mondiste, soutenant activement les «mouvements de libération» d’inspiration communiste.

Mis en cause pour sa gestion douteuse du ministère des Affaires étrangères, il est contraint à l’exil pendant six ans sous la présidence de Chadli Bendjedid. Simple incident de parcours. De retour en 1987, il prend part au congrès du FLN de 1989 qui le porte au comité central.

En 1999, il est élu président de la République avec 73,8% des voix, à l’issue d’un scrutin truqué, ses adversaires s’étant retirés pour protester contre des irrégularités criantes. Il est réélu en 2004 avec plus de 80% des suffrages, ce qui en dit presque aussi long sur sa légitimité que le résultat du référendum organisé en septembre 2005 pour «restaurer la paix civile en Algérie», couronné par… 97,36% de «oui»! Scores de «république bananière».

Ayant effectué tout son parcours politique au sein de l’appareil du FLN, Abdelaziz Bouteflika figure au premier rang des responsables de l’actuelle situation d’un pays qui peine, malgré ses richesses pétrolières, à sortir du marasme où l’ont plongé près de 45 ans d’une gestion catastrophique.

50 % des jeunes au chômage !

En 130 ans de présence, la France avait consenti, pour ses quatre départements algériens, un effort considérable, qui en avait fait la région la plus prospère et la mieux développée du continent africain.

Mais au lendemain de la guerre d’indépendance, le nouveau pouvoir algérien privilégia «l’option socialiste», au sens où l’entendaient les «démocraties populaires» d’Europe de l’Est. La nationalisation des terres et des moyens de production, l’inflation de l’État et de la bureaucratie, la corruption endémique à tous les échelons de l’appareil produisirent leurs fruits vénéneux. C’est à ses réalisations que l’on juge un régime.

Deux images suffisent à symboliser ce que la clique FLN a fait de ce pays en moins d’un demi-siècle: celle de milliers de jeunes Algériens massés sur le parcours officiel lors de la visite de Jacques Chirac en 2003 pour demander au président français «des visas»; et celle du séjour du président Bouteflika à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce. Les hôpitaux d’Alger sont-ils donc devenus si médiocres, pour que le potentat maghrébin préfère ainsi se faire soigner chez les «nazis»?

Le pétrole découvert et exploité par les Français au Sahara, puis «récupéré» par l’Algérie et nationalisé en 1971, a pourtant procuré au nouvel État une véritable manne financière. Les hydrocarbures représentent aujourd’hui 97% des revenus d’exportation du pays et 69% des revenus fiscaux de l’État.

Le temps est loin, en revanche, où l’Algérie était considérée comme un «grenier à blé». En dépit d’une baisse récente du taux d’inflation, le prix des denrées reste élevé sur les marchés et celui de la viande, inaccessible à la majorité des familles. Le chômage touche 17% de la population et 50% des jeunes, ce qui explique leur désir de passer la Méditerranée. Cependant, l’«économie informelle» emploie hors des réseaux officiels quelque 1,4 million de personnes…

Ajoutons que la dette publique avoisine 25 milliards de dollars, soit le quart du PIB.

Répression, torture et corruption

Le tableau politique n’est guère plus séduisant. Nous avons vu ce qu’il faut penser de la démocratie algérienne. Les seules élections libres qui furent organisées, en 1991, se traduisirent dès le premier tour par une victoire incontestable du Front Islamique du Salut (FIS), qui rafla 188 sièges sur 231, contre… 15 au FLN! Ce dernier n’en conserva pas moins le pouvoir, décréta l’état d’urgence et dissout le FIS. Le pays versa alors dans une guerre civile qui fit 200 000 morts.

La Kabylie aussi connut ses émeutes après l’assassinat par les gendarmes, en 2001, d’un lycéen kabyle. La répression, sévère, dura jusqu’en 2002.

Quant aux éditorialistes des titres indépendants qui, comme le rédacteur en chef du Matin, Mohamed Benchicou, osent critiquer le président, la corruption du régime et la torture pratiquée par ses sbires, ils ont tout loisir de méditer en prison sur ce que pèse la liberté de presse dans l’Algérie de Bouteflika.

C’est pourtant avec cet homme-là, représentant d’un régime qui depuis un demi-siècle fait de la France le bouc émissaire de ses échecs, que Jacques Chirac veut à tout prix signer un traité d’amitié. Le président algérien le sait bien, qui s’est permis de poser le retrait de la loi du 23 février comme condition à la signature de ce fameux traité. À cette intervention indécente dans nos affaires, un chef d’État digne de ce nom aurait répondu par la fermeté. Chirac a cédé. On peut douter que les Algériens nous en aiment et nous en estiment davantage.

 

 

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