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La Guerre de l’article 4
un symbole franco-français du psychodrame “civilisationnel” mondial
Entretien avec Lionel Luca, député des Alpes-Maritimes - Propos recueillis par Pierre Baudouin
Objections - n°3 - février 2006

Le 23 février 2005, les députés UMP avaient voté une loi pour tâcher d’adapter l’enseignement de l’histoire aux nouveaux enjeux de sociétés que créent, dans l’Hexagone, la mondialisation et une forte immigration. Dans l’article 4 était souligné le rôle bénéfique de la colonisation. Beaucoup d’historiens (en particulier des historiens dont les options “à gauche” sont avérées) s’étaient insurgés alors contre ce qu’ils ont considéré comme une intrusion des politiques dans leur territoire. Dans notre précédent numéro, Louis Grenier avait expliqué les véritables mobiles de la pétition signée par Pierre Vidal-Naquet, Michel Winock, Marc Ferro, René Rémond et tant d’autres. Une caste se sentait menacée dans son privilège de dire l’Histoire sans contestation possible. Elle défendait, bec et ongles, son monopole, un moment mis en cause par les politiques.

Après le déclassement de l’article 4 de cette loi du 23 février, sur intervention du Président Chirac lui-même, certains historiens veulent aller encore plus loin dans la défense de la Vulgate historique. Claude Liauzu affirme ainsi dans Marianne: «Notre combat continue tant que la liberté de l’historien sera soumise à des pressions politiques».

Face à ce recroquevillement idéologique et corporatiste des Mandarins de l’Alma Mater, attentifs avant tout à préserver les acquis idéologiques de leurs combats passés et réticents à toutes adaptations de leur discours aux difficultés présentes, nous avons voulu demander à un Politique courageux, Lionnel Luca, les raisons pour lesquelles il a participé au vote de la loi du 23 février.

JMH


Depuis plus de deux mois, nous assistons à une polémique sur le « rôle positif de la colonisation », mais cette polémique demeure confuse pour l’opinion publique. Que disait au juste ce fameux article 4, aujourd’hui supprimé par décision du président de la République lui-même

L’article 4 était d’abord un hommage à tous les combattants, issus de tous nos territoires, qui ont payé un lourd tribut durant les guerres du XXe siècle.

Nous ne pouvons pas admettre cette idée que les harkis étaient des collabos, comme a dit le président de la République algérienne. C’était l’armée française. Et nous devons être reconnaissants aux tirailleurs sénégalais de la Grande Guerre, à l’Armée d’Afrique, héroïque lors de la campagne d’Italie, comme à ceux qui ont combattu sous nos couleurs en Indochine ou en Algérie.

Cette reconnaissance nous a conduits à demander que la recherche et les livres d’histoire se penchent sur le rôle positif de la présence française.

On a monté en épingle quelques mots dans un article qui contenait trois paragraphes, et qui était purement déclaratif, sans contrainte normative d’aucune sorte. Nous voulions redonner du baume au cœur des harkis et des rapatriés.

Rappelons d’ailleurs que ce texte de loi «porte reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés». Il ne concerne donc pas tout le monde. On a, par exemple, beaucoup parlé de la protestation de certains Antillais.

Mais, que je sache, il y a eu bien peu de rapatriés des Antilles!

Comment jugez-vous les réactions socialistes à cet article 4?

Le PS a eu un comportement lamentable, alors qu’il est issu du parti colonialiste par excellence de la IIIe et de la IVe République.

Sous la pression de sa minorité agissante, qui avait déjà activement soutenu le FLN, il a choisi de se faire l’écho de la position d’un pays étranger, plutôt que de partager la reconnaissance du pays envers ses soldats.

Et déposer cette absurde proposition de loi visant à supprimer l’article 4 juste après la crise des banlieues est dangereusement irresponsable. C’est une misérable opération politicienne!

Je constate d’ailleurs que cela ne leur a pas réussi, puisque, même après deux mois de polémique, 60% des Français et même 53% des Français de gauche considèrent que nous avons eu raison de dire publiquement notre reconnaissance pour l’œuvre accomplie par la France dans ces territoires et pour le dévouement de ces Français d’outre-mer.

N’y a-t-il pas tout de même le risque de mettre en place une vérité officielle?

Mais, c’est actuellement qu’il existe une vérité officielle! C’est aujourd’hui que nos enfants apprennent dans leurs manuels une histoire partielle et partiale! Et, permettez-moi de vous le dire, d’autant plus que les manuels sont souvent financés par les régions, presque toutes dirigées aujourd’hui par des socialistes…

Nous avons en France une histoire hémiplégique, avec seulement un lobe gauche du cerveau.

Actuellement, on ne parle que de l’aspect négatif de la colonisation. Nous avons voulu rétablir l’équilibre. D’ailleurs, ceux qui réagissent sont ceux-là même qui écrivent depuis trente ans, en toute impunité, cette histoire officielle!

Quelle issue voyez-vous à cette polémique?

Il est hors de question que le texte repasse à l’Assemblée. Aucun député ayant accepté par trois fois ce texte n’acceptera de se déjuger. Ce serait une auto-flagellation humiliante et inutile.

Le texte restera donc dans son état actuel. D’ailleurs, tous les décrets d’application ont déjà été publiés. Sauf naturellement pour cet article 4 qui, encore une fois, n’est en aucune façon normatif et n’a donc pas vocation à trouver une application réglementaire.

De toute façon, quoi qu’il advienne, nous avons déjà gagné: nous avons obtenu qu’il y ait un débat. Tous les Français savent désormais comment sont écrits les manuels d’histoire. C’est cela qui compte, et pas tellement le sort d’un article qui n’était qu’une déclaration de notre dette morale et non un texte proprement législatif.

Les parlementaires ne commencent-ils pas à se lasser de ces repentances à répétition qui sont, en permanence, exigées de la France?

Mais tous les Français en ont assez! Ces repentances agacent tout le monde. Et les parlementaires considèrent qu’il serait plus utile de s’occuper de l’avenir du pays que de se pencher, avec seulement un œil gauche ou seulement un œil droit, sur notre histoire.

Nous assumons notre histoire; nous pouvons en être fiers.

Et, permettez-moi d’ajouter que mon père était étranger; il a fait le choix de la France. Eh bien! moi, je suis fier de cette France qui m’a vu naître. Quant à ceux qui ont honte de notre histoire nationale, il ne leur est pas interdit d’aller voir ailleurs…

 

 

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