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Benoît XVI, le monde moderne et le concile Vatican II
Abbé Paul Aulagnier
Objections - n°2 - janvier 2006

J’ai été étonné de l’homélie que Benoît XVI prononça, en la Basilique Saint Pierre, le 8 décembre, en la fête de l’Immaculée Conception. Tout au début, il remarque que cette date, du 8 décembre, est la date anniversaire de la clôture du Concile. Il ne l’oublie pas. Il le dit bien clairement: « Il y a quarante ans, le 8 décembre 1962… le pape Paul VI conclut solennellement le Concile Vatican II»…

On aurait pu s’attendre alors à ce que le Pape fasse, à cette occasion, un «panégyrique» du Concile et de son «aggiornamento». Toute la presse, au dire du communiqué de l’AFP de ce jour anniversaire, attendait ce bilan. Il n’en fut rien. Vous imaginez la déception…

Il rappela seulement la déclaration de Paul VI en plein Concile donnant à Notre Dame, ce beau titre de «Marie,Mère de l’Eglise».

Il fit appel à ses souvenirs d’auditeur personnel : «Dans ma mémoire reste gravé de manière indélébile le moment où, en entendant ses paroles : « nous déclarons la Très Sainte Vierge Marie Mère de l'Eglise », les Pères se levèrent spontanément de leurs chaises et applaudirent debout, rendant hommage à la Mère de Dieu, à notre Mère, à la Mère de l'Eglise ».

On peut, de fait, se réjouir de ce nouveau titre donné à Notre Dame, même si l’on attendait plus du Concile, même si l’on attendait la proclamation du dogme de la «co-rédemption» de Notre Dame… Cette attente, à l’époque, fut sacrifiée sur l’autel de l’œcuménisme.

Faute de panégyrique du Concile en ce quarantième anniversaire, certains pouvaient attendre du pape un exposé sur l’Immaculée Conception. Nous étions, tout de même, le 8 décembre! Bonne occasion… pour centrer l’attention du peuple de Dieu sur ce dogme tellement «chahuté» aujourd’hui.

Eh bien, rien de tel!

Le pape fit juste quelques considérations sur Notre Dame, en commentant la première lecture tirée de l’Évangile de Saint Luc: le récit de l’Annonciation. Certes, les considérations du pape sont belles… Il parle de la sainteté de Marie s’inspirant de la figure biblique du «saint reste» d’Israël. Elle est celle qui est «pure», elle est le «véritable Sion». Elle est la «maison vivante de Dieu». En elle, se trouve «le lieu de son repos»…Tout cela est très beau… Comme le dit Saint Bernard: «de Maria, nunquam satis»

Mais on est loin d’un exposé dogmatique sur le sujet. Le 8 décembre, encore une fois, en était pourtant l’occasion… Non, vous dis-je, rien de tout cela… Comme si la pensée du pape était ailleurs. Sa préoccupation, autre.

Et de fait, il parla surtout du péché originel…

Il dit bien que Marie en fut exempte… Mais ce n’est pas sa préoccupation première.

Il veut parler, on le sent, du monde moderne à la lumière du péché originel. Il y consacre même cinq longs paragraphes, les cinq derniers sur neuf ou dix paragraphes que contient son homélie.

Oui! Dans l’analyse qu’il nous donne du péché originel, on voit bien que son regard est tout orienté vers le monde moderne. On a même l’impression qu’il voit le monde moderne… dans la lumière de la réalité du péché originel, péché héréditaire, dit-il.

Cela se constate surtout dans la manière dont il décrit la réalité de ce péché. Il analyse le récit de la Genèse. Il décrit le péché originel comme une volonté d’indépendance de l’homme par rapport à Dieu, et il glisse insensiblement vers une description du monde moderne. Là, il constate la même volonté d’indépendance, la même volonté d’autonomie par rapport à Dieu, le même désir de liberté, le même refus de l’amour divin, amour divin qui est vu par l’homme, comme sclérosant, ennemi de sa propre liberté, de son propre pouvoir. L’homme veut vivre son existence sans référence à Dieu, Il préfère se détruire lui-même plutôt que de se soumettre à cet amour, à cette loi. Il va jusqu’à goûter le mal pour lui-même…

Tel est le regard que Benoît XVI porte sur le monde moderne. Il le définit comme opposé à Dieu et à sa loi, comme voulant vivre - et cela d’une volonté absolue - dans une totale «autonomie » - le mot revient deux fois - par rapport à Dieu et à son Christ.

Cette description correspond tout à fait à celle que nous donnait déjà Maritain dans son fameux livre «Antimoderne». Le monde moderne, écrivait-il : « mais c’est le culte du moi humain. (L’homme) réussit à écarter Dieu de tout ce qui est centre de pouvoir ou d’autorité dans les peuples… L’homme s’isole… il se soustrait à Dieu par antithéologisme et à l’être par idéalisme. Il se replie sur soi, s’enferme comme un tout puissant dans sa propre immanence, fait tourner l’univers autour de sa cervelle, s’adore enfin comme étant l’auteur de la vérité par sa pensée et l’auteur de la loi par sa volonté».

Une antimodernité bien partagée…

Mais c’est l’analyse que fit aussi le pape Saint Pie X dans son encyclique «E Supremi Apostolatus ». Vous vous souvenez de ses expressions pathétiques : « De nos jours, il n’est que trop vrai, les nations ont frémi… des projets insensés contre leur Créateur ; et presque commun est devenu ce cri de ses ennemis: Retirez vous de nous. » On se souvient que le Concile Vatican II porta lui aussi son regard sur le monde moderne. C’est tout le fameux schéma 13 qui est devenu le texte conciliaire Gaudium et Spes. Le cardinal Ratzinger présenta ce texte comme le « testament» du Concile.

Or il me semble que son jugement actuel sur le monde contemporain n’est plus le même.

Dans l’exposition introductive de Gaudium et Spes, des numéros 4 à 10, les pères conciliaires exprimaient leurs idées sur la «condition humaine dans le monde d’aujourd’hui». Vous n’avez, là, aucune allusion au péché originel et à ses conséquences. Le Concile fait des considérations sociologiques, économiques, politiques… - Peu dignes d’un vrai Concile… Un Concile pour cela ? - mais il ne fait aucune allusion au péché originel.

C’est pourtant la considération première du Pape Benoît XVI dans son homélie du 8 décembre. Elle est «ontologique», «théologique ». Celle du Concile est «sociologique», «superficielle». Il fallait que cela soit dit.

Et cela fut dit déjà, à l’époque, par Mgr Lefebvre. Dans son petit livre « J’accuse le Concile !», il écrit : «Dans l’exposition introductive, (les n° 4 à 10), comment peut-on taire continuellement le péché originel avec ses suites et le péché personnel, alors que nulle explication valide de l’histoire du monde et du monde actuel ne peut être donnée sans référence à ce fait historique et à ce fait actuel»?

Benoît XVI corrige le « tir » à son tour.

C’est tout à fait notable et remarquable.

Personne ne semble l’avoir fait remarqué…

L’abbé de Tanoüarn a raison d’écrire que le pape est en train de corriger le Concile et son enseignement «équivoque» en bien des points. Il le démontre dans son analyse du «compendium».

Une autre preuve! Je vous la propose: son discours du 8 décembre 2005.Une date à retenir.

 

 

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