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Œcuménisme : le bon grain et l’ivraie
abbé Claude Barthe
Objections - n°2 - janvier 2006

Ansgar Santogrossi
Vers quelle unité ? Un œcuménisme en quête de cohérence
(Carnets Hora Decima, novembre 2005)

Le Frère Ansgar Santogrossi, religieux bénédictin de l’Oregon, docteur en philosophie de l’Institut catholique de Paris, qui enseigne actuellement la philosophie au Mexique 1, s’inscrit dans le mouvement de « dépassement » de Vatican II qui paraît se dessiner aujourd’hui. Si cette tentative de sortie du Concile se confirmait, elle ne pourrait que se concentrer sur le sujet dont traite A. Santogrossi, celui des fondements de l’œcuménisme. C’est bien ce que laisse penser, entre autres, un long article du P. Karl Josef Becker, s.j., publié dans L’Osservatore Romano du 5 décembre dernier, qui rejette toute idée de « subsistance » de l’Église du Christ dans les Églises séparées.

Ansgar Santogrossi, dans ce Carnet, étudie les documents concernant l’œcuménisme de l’ultime période du pontificat de Jean-Paul II, à savoir des dix dernières années : 1995-2005. Tous portent la marque ou ont reçu l’aval du cardinal Joseph Ratzinger, comme préfet de la Congrégation de la Doctrine de la foi. Et tous témoignent d’une recherche – encore hésitante et, jusqu’à un certain point, marquée de contradictions – pour surmonter les ambiguïtés mortelles nées dans le bouillon de culture théologique du Concile et de l’après-Concile. A. Santogrossi montre que l’ecclésiologie de Pie XII reprend le dessus dans une certaine mesure au moyen d’une canalisation de l’œcuménisme, concomitante avec des « lâchers de lest » dans le sens de l’esprit du Concile. Il est d’ailleurs bien possible que les dents de scie de cette « remontée de l’intérieur » perdurent un certain temps.

Très concrètement, le Frère Santogrossi focalise sa critique sur la notion de « foi commune», censée exister entre catholiques et chrétiens séparés. L’existence supposée de la « foi commune » justifie que tous sont en état de « communion imparfaite », et permet de constater entre eux une «diversité réconciliée ». Tout se passe comme si la foi théologale était un immeuble à étages : les dogmes des conciles du premier millénaire constitueraient un rez-de-chaussée au-dessus duquel s’élèveraient des étages séparés, l’un orthodoxe, l’autre catholique, chacun, notamment le catholique, se subdivisant encore (construction catholique, luthérienne, etc.) au fur et à mesure de l’accroissement de l’immeuble. La comparaison n’est évidemment pas à presser en raison de ses faiblesses (la « foi commune » des catholiques et orthodoxes, en matière de sacrements par exemple, est plus large que la « foi commune » des catholiques et luthériens), faiblesses qui soulignent au reste l’inanité de l’utopie.

A. Santogrossi met donc en lumière de manière précise et systématique cette illusion qui consiste à imaginer l’unité entre catholiques, protestants et orthodoxes en procédant à une régression dogmatique, laquelle minimise l’autorité des définitions et des conciles postérieurs à la rupture (pour les orthodoxes : les conciles et papes du IIe millénaire ; pour les protestants : le concile de Trente et ses suites). Le présupposé de ces vues théologiques est une relativisation des formes de la tradition et du magistère (à savoir, le dogme, au sens large). C’est une relativisation moderniste en son fond, postmoderne en sa coloration spécifique, comme le Fr. Santogrossi le montre en s’appuyant d’ailleurs sur d’autres analyses que les siennes.

Il évalue donc les présupposés herméneutiques de la vulgate œcuménique, en vertu desquels il n’y a pas de signification figée dans les textes fondateurs du christianisme. Une unité existerait déjà entre les Églises : elles auraient, de fait, une même foi, que l’on ne saurait pas reconnaître derrière la diversité des interprétations légitimes. Il examine particulièrement la Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification luthérienne/catholique, du 31 octobre 1999 – document entériné par Rome – au moyen de laquelle a précisément été conclu un accord fondé sur la notion de «diversité réconciliée ».Mais A. Santogrossi, s’appuyant sur l’analyse de Daphne Hampson, explique qu’il y a un désaccord irréductible entre catholicisme et luthéranisme, qu’aucun accord œcuménique véritable ne pourra réellement surmonter sans sacrifier l’essence soit du catholicisme, soit du luthéranisme.

Des bases claires et franches, et non le préjugé d’une Foi commune

En sens inverse, l’auteur analyse la rectification doctrinale fondamentale qu’a apportée, dans la ligne de Pie XII et de son encyclique Mystici corporis, la Note de la Congrégation pour la Doctrine de la foi du 30 juin 2000 : seule une Église catholique particulière (un diocèse) peut être dite «Église sœur » d’une autre Église particulière, mais en aucune manière on ne peut qualifier telle Église orthodoxe ou l’ensemble des Églises orthodoxes d’«Église sœur » de l’Église catholique.

Mais du coup, Ansgar Santogrossi s’interroge sur l’incohérence par rapport à la ligne précédente, de la Note du Conseil pour l’Unité des chrétiens, publiée un an plus tard, en octobre 2001, attestant la validité de l’anaphore chaldéenne d’Addaï et Mari, qui ne contient pas les paroles de l’Institution. Il critique également les justifications que fournissent certains numéros de l’encyclique Ecclesia de eucharistia, du 17 avril 2003, au sujet de la réglementation canonique qui permet de donner, dans certains cas, le sacrement de l’unité, la communion sacramentelle, à des chrétiens séparés, qui entendent demeurer séparés de l’Église catholique.

Le Fr. Ansgar Santogrossi affirme en conclusion que l’unique chance pour que l’unité, but de l’œcuménisme catholique, soit effectivement poursuivie est l’établissement de cet œcuménisme sur des bases claires et franches. Le thème fallacieux de «foi commune» qui existerait entre catholiques et chrétiens séparés a, en fait, toutes les apparences d’un aveu: en réalité, les œcuménistes libéraux qui l’ont forgé ne croient aucunement à une réconciliation dans l’unité. «Ne convient-il pas, pour le salut de l’œcuménisme, de préserver ce dernier des théologiens qui l’ont élaboré ?»


Il a publié, entre autres, en français : « La science divine du divin et du non-divin chez Duns Scot », dans Le contemplateur et les idées modèles de la science divine du néoplatonisme au XVIIIe siècle, Vrin, 2002 ; L’Évangile prêché a Israël À propos du dialogue judéo-chrétien, Clovis, 2002 ; des articles dans Catholica, largement repris dans l’ouvrage dont il est ici question.

 

 

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