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Didier van Cauwelaert: "Cloner le Christ?"
Débat/Pour une réflexion théologique
Abbé G. de Tanoüarn
Objection
s - n°2 - janvier 2006

Didier van Cauwelaert, romancier bien connu pour sa virtuosité imaginative, a posé le problème du clonage du Christ dans un roman qui fit quelque bruit : L'Évangile de Jimmy (2004). Aujourd'hui, rattrapé par son sujet, il quitte le genre romanesque et mène une véritable enquête sur la possibilité de ce clonage, au terme de laquelle il conclut que ce clonage est possible en soi, puisqu’on dispose réellement de quelques gouttes du sang du Christ...

Aussi curieux que cela puisse paraître à un lecteur non prévenu, je ne vois rien à opposer à l'idée d'un clonage du Christ. Rien philosophiquement. Rien théologiquement.

Du point de vue philosophique, il est essentiel de bien distinguer ce qui fait l'identité d'un homme et ce qui fait l'identité d'un ver de terre ou de tel autre invertébré capable de se reproduire par simple fragmentation. Cloner un homme, ce n'est en aucun cas le reproduire à l'identique. Certes ses caractéristiques physiques pourront être semblables, mais son âme n'est pas la même, sa personne est différente. Cloner le Christ, cela ne signifie pas reproduire des Christ en chaîne. Cela voudrait simplement dire que des individus, ayant un phénotype très semblable à celui de Jésus de Nazareth pourraient exister aujourd'hui. Où est la difficulté ? N'est-il pas spirituellement « le premier d'une multitude de frères » ?

Si l'on pénètre davantage dans le mystère théologique de l'incarnation, on se trouve encore renforcé dans cette conviction qu'il n'y a rien à opposer à la possibilité du clonage du Christ. Nous savons en effet que le Christ possède bien les deux natures, la nature humaine et la nature divine. En tant qu'homme, « il s'est fait semblable à nous en tout, excepté le péché ». En tant que Dieu, il est l'Unique, créateur du Ciel et de la terre. Mais la question que se posent les théologiens est de savoir comment ces deux natures, si disparates, peuvent former un seul être. Et la réponse, depuis saint Athanase, est simple : la personne du Christ, le sujet, le Je christique est divin. Dieu assume la nature humaine, mais on ne peut pas dire que le Christ est une personne humaine, un sujet humain, un “Moi” humain. Sinon il est impossible que les deux natures soient un seul être. Comment imaginer que ce Mystère intrinsèquement surnaturel, et inconnaissable même pour les anges, puisse être reproductible par clonage ?

Dernier point de vue : celui de l'apologète, c'est-à-dire de qui défend l'authenticité et l'historicité de l'Évangile. S'il y a clonage possible du Christ, cela signifie que nous conservons des traces organiques de son passage sur la terre. Nous pouvons donc démontrer l'historicité du Christ et nous pouvons le faire de la manière la plus directe, par un constat.

Ajoutons que pour Didier van Cauwelaert, c'est sur au moins trois reliques du Seigneur, le Suaire de Turin, la Tunique d'Argenteuil et le suaire d'Oviedo, qu’il est possible de retrouver du sang de ce personnage supplicié et manifestement crucifié. À l'analyse, il s'agit d’ailleurs non d'un sang coagulé depuis 2000 ans, mais, chaque fois que l'on en prélève, d'un sang qui viendrait juste de couler. Il y a là remarque notre romancier devenu enquêteur, un miracle permanent. On pense immédiatement, et van Cauwelaert consacre un chapitre de son livre à ce rapprochement, au miracle qui eut lieu à Lanciano en Italie. Là aussi un miracle permanent alors que là aussi, le miracle remonte à il y a douze siècles. Autour de l'an 800, sous les yeux d'un prêtre qui doutait de la Présence réelle du Christ dans l'hostie, l'apparence de vin est devenue visiblement du sang. Et ce sang, chaque fois que l'on en fait un prélèvement, est le sang d'un homme qui est mort la veille. Même miracle que sur les reliques de la passion. Van Cauwelaert, avec tout son talent d'homme de plume, sait mieux qu'un autre nous dire combien tout cela est troublant.

Van Cauwelaert montre aussi comment, le plus souvent, son enthousiasme de néophyte face à la singularité absolue de ces reliques, n'est pas partagé par le clergé. Tout se passe comme si les prêtres voulaient que le “Christ de l'histoire”, le Christ qui a réellement existé dans un corps et avec une âme humaine, ce Christ, il faudrait qu'il échappe à nos prises, que l'on ne puisse pas le rejoindre, qu'il n'y ait entre lui et nous qu'une croyance, susceptible de s'adapter aux époques différentes où elle peut être conçue dans des cœurs humains. Cet aspect du livre de van Cauwelaert me fait irrésistiblement penser à la légende du Grand inquisiteur condamnant le Christ revenu dans le monde, condamnant le Christ trop présent dont il n'était plus possible de se servir et qu'il fallait servir. Inconditionnellement.

N'ayons pas peur du Christ, de l'historicité du Christ, de la proximité du Christ.

N'essayons pas de nous en protéger, en mettant, entre lui et nous, le voile de la croyance, l'écran de la subjectivité croyante. laissons nous corriger, transformer par le Christ… Certes van Cauwelaert tient, sur le péché originel ou sur la virginité de Marie, un discours qui n'est pas conforme au dogme de l'Église. Mais va-t-on demander à un néophyte d'avoir tout saisi du premier coup ? Je trouve en revanche que ce qu'il dit, après Claude Tresmontant, de notre métamorphose dans l'éternité, c'est-à-dire de la transformation de notre corps de mort en corps spirituel, est une transcription parfaitement réaliste du dogme de la résurrection de la chair.

Cela étant, son hypothèse du clonage reste purement spéculative et non réalisable. Mais elle nous permet de nous poser des questions fondamentales sur l'authenticité des Évangiles et sur l'identité de ce Jésus de Nazareth, qui porte le nom de ce salut (Ieschouah : Dieu sauve) que Dieu nous apporte.

 

 

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