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Merveilles
du Christianisme
Abbé G.
de Tanoüarn
Objections - n°2 - janvier 2006
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Si
vous ne redevenez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume
de Dieu… Que cette sentence du Christ peut être irritante, si elle est mal
comprise ! Ainsi il faudrait retrouver la niaiserie de l'enfance ! Il faudrait
être prêt à abdiquer son intelligence, sa culture et à suivre sans se poser
de questions, tout ce que l'Église nous enseigne !
Avouons
que cet infantilisme existe, parmi les fidèles et parfois parmi les prêtres et
qu'il usurpe trop facilement le beau nom d'obéissance. On fait semblant
d'oublier que l'obéissance, c'est avant tout le sens du service, c'est l'ardeur
à tenir sa place, toute sa place et rien que sa place, dans le service de Dieu
ou du prochain. Comment peut-on confondre ainsi l'obéissance chrétienne avec
la docilité lamentable du caniche de la mère Michu ? Il est clair que ce ne
peut être impunément. En ce monde ou en l'autre.
Mais
alors que veut dire l'Évangile ? L'enfant, le véritable enfant, celui d'avant
Mai 68, c'est celui qui, au pied du sapin, à Noël, ouvre des yeux
émerveillés devant tout ce qu'on lui offre.
L'enfant
ne joue pas dans la même cour que l'adulte ; s'il est normalement constitué il
n'entre pas en rivalité avec lui. C'est pourquoi il a spontanément envers
l'adulte le sens de la gratuité et de l'admiration. Être un enfant, selon
l'Évangile, c'est cela : éprouver de l'admiration pour les merveilles que Dieu
nous a données, vivre sa vie comme un don de Dieu et non comme un droit de
l'homme. Et savoir que Dieu peut paraître changer d'avis sans que l'on
comprenne tout de suite ce qu'il veut nous faire comprendre : « Les voies de
Dieu ne sont pas nos voies. Les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées ».
Cette
vertu a un nom, Jean Madiran l'évoque souvent, en déplorant sa ruine : c'est
la vertu de piété. L'homme pieux n'est pas un ravi de la crèche. Mais c'est
quelqu'un qui se « laisse surprendre par la joie », selon la formule de CS
Lewis. C'est quelqu'un qui sait remercier pour tout ce qu'il a reçu : «
Qu'as-tu que tu n'aies reçu ? » nous dit Jésus dans l'Évangile.
La
grâce comme un roman
Dans
cette perspective, la vie du chrétien n'est pas, pour autant, une vie d'esclave
ou de chien battu. Si rien ne lui est dû, si tout lui est donné, le destin du
chrétien apparaît avant tout comme une aventure, ainsi que le remarquait très
gravement le romancier anglais Chesterton. René Girard a bien montré dans un
livre déjà ancien que le romanesque était une invention du christianisme. Ce
qui est merveilleux dans l'aventure romanesque, c'est que la crise qui couve et
qui constitue toujours l'occasion du roman va se dénouer, sans rien laisser au
hasard. Happy end ? Pas forcément. Disons que tout roman se dénoue en
manifestant la vérité d'une existence. Et on peut dire aussi en sens inverse :
toute existence se vérifie dans le roman de son accomplissement.
Quand
il n'y a plus de vérité, il n'y a plus de roman. Parce qu'il n'y a plus de
crises dignes de ce nom, simplement des convulsions sans signification et des
convulsionnaires compulsifs.
Et
quand il n'y a plus de roman, c'est que l'on a oublié la chute, le péché, la
grâce et le salut. La chape de plomb de l'obscure Nécessité a remplacé les
poèmes de nos libertés en quête de salut. Les déterminismes mécaniques ou
biologiques se sont substitués à la fantaisie créatrice de celui qui, parce
qu'il se sait aimé de Dieu, est prêt à tout imaginer et à tout vivre pour
essayer d'aimer un peu à son tour.
Le
merveilleux chrétien n'est pas dans le dogme de la foi, si obscur et si profond
qu'une vie ne peut suffire à l'apercevoir tel qu'en lui-même. Le merveilleux
chrétien est plutôt dans la vie la plus quotidienne. Il
vient de la conviction que « rien n'est impossible à celui qui croit ».
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