Tolkien
en “seigneur des cathos”
LMS
Objections
- n°2 - janvier 2006
|
John
Ronald Reuel Tolkien (Ronald pour les intimes) est l'un des plus grands
créateurs de littérature fantastique de tous les temps. Pprofesseur
de littérature médiévale à l'Université d'Oxford, il écrit deux grandes
Sagas qui nous transportent dans des univers nouveaux.
Il
conçoit d'abord Bilbo le Hobbit, dont le succès, juste avant la
Deuxième Guerre mondiale, est foudroyant, puis le Seigneur des Anneaux, qui
connut, après-guerre, un lancement moins prometteur et devint pourtant très
vite l'objet d'un véritable culte. Peter Jackson vient de projeter cette
histoire sur grand écran, en trois films qui sont déjà trois symboles de
l'histoire du cinéma et du progrès des effets spéciaux.
Malgré
ou à cause de l'effet d'emballement, on en est encore à se demander quelle est
la véritable signification de cette œuvre aux dimensions colossales. La
publication récente, chez Christian Bourgois, d'une sélection de lettres,
choisies par le biographe attitré Carpenter avec l'aide du fils de l'écrivain,
Christopher Tolkien peut nous aider à y voir clair dans les motivations du
père de Frodon, de Galadriel et de tant d'autres créatures imaginaires.
Appuyés par une très précieuse indexation des noms et des thèmes, ces textes
nous permettent d'ajouter à notre lecture du Seigneur des Anneaux de
multiples clés de compréhension, tant l'œuvre est profonde et complexe.
L'auteur
lui-même gardait d'ailleurs vis-à-vis de son œuvre une humilité étonnante,
comme si celle-ci ne lui appartenait plus et avait en quelque sorte acquis sa
propre autonomie: « Seul notre ange gardien, ou au fond Dieu lui-même,
pourrait démêler la véritable relation entre les faits personnels et les
œuvres d'un auteur. Pas l'auteur lui-même».
Au
fil des pages, on comprend que cette fresque monumentale n'est en rien une
allégorie des totalitarismes et du pouvoir de la bombe atomique comme plusieurs
l'ont soutenu. Le Seigneur des Anneaux est plus simplement un hymne à la
liberté soumise à la morale du devoir et un éloge de la vertu d'humilité. La
victoire finale, forme de la Rédemption, passe par ce principe et cette vertu;
et c'est en cela que ce monument de la littérature anglo-saxonne est
profondément universel.
Confidences
épistolaires d’un écrivain catholique
À
son fils Michael sur la déchéance de l’homme (8 mars 1941)
«
Cependant,un monde déchu est par essence un monde où l’on ne peut atteindre
le meilleur par une libre jouissance par ce que l’on appelle “l’accomplissement
de soi” (joli mot qui désigne en général l’auto complaisance, tout à
fait hostile à l’accomplissement des autres) mais par l’abnégation et la
souffrance. »
À
son fils Christopher sur la messe (8 janv. 1944)
«
C’est aussi une bonne et admirable chose de connaître par cœur le canon de
la Messe, car tu peux le réciter dans ton cœur si jamais des circonstances
difficiles t’empêchent d’assister à la messe. »
À
son fils Michael sur la communion (1er nov. 1963)
«
Le seul remède à la foi qui flanche et faiblit est la Communion. Bien qu’il
reste tel qu’en Lui-même, parfait, complet et intact, le Saint-Sacrement n’agit
pas totalement et une fois pour toutes en chacun de nous. Tout comme l’acte de
Foi, il doit être permanent et s’affirmer par la pratique. (…) Sept fois
par semaine est plus nourrissant que sept fois séparées par des intervalles.»
À
son fils Michael sur la nouvelle liturgie (non datée).
«
La recherche “protestante” de la “simplicité” et de l’immédiateté
dans le passé (…) est erronée voire vaine. Parce que le “christianisme
primitif” est aujourd’hui, et le demeurera malgré toutes les “recherches”,
très largement un mystère ; et parce que le caractère primitif n’est pas
une garantie de valeur (…). »
À
son fils Michael sur Vatican II (non datée)
«
(…) l’aggiornamento, le fait de s’adapter au monde actuel, comporte ses
graves dangers, comme cela est apparu tout au long de l’Histoire. L’“œcuménicité”
s’est également confondue avec cela. »
À
son fils Michael sur la réforme de l’Église (1er nov. 1963)
«
Je pense que la plus grande réforme de notre temps est celle qui a été menée
par saint Pie X: allant plus loin que tout ce que le Concile réalisera (même
si cela est nécessaire). Je me demande dans quel état serait aujourd’hui l’Église
sans cette réforme.»
À
son fils Michael sur la foi (1er nov. 1963)
«
En dernière instance, la foi est un acte de volonté, inspiré par l’amour.Notre
amour peut être refroidi et notre volonté érodée par le spectacle des
faiblesses, de la folie et même des péchés de l’Église et de ses ministres
; mais je ne crois pas que quiconque a eu autrefois la foi revienne en arrière
pour ses raisons là (encore moins quiconque possédant des connaissances
historiques (…) Mais l’acte de volonté d’avoir la foi n’est pas un
moment unique où décider une fois pour toutes: c’est un acte – état
permanent, répété à l’infini, qui doit se poursuivre – c’est pour cela
que nous prions pour “toujours préserver”. »
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