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Parole d’évêque
Editorial, par Laurent Lineuil
Objections - n°2 - janvier 2006

Le 22 novembre, peu après les émeutes qui secouèrent la banlieue française, retentit une parole d’évêque. Forte, limpide, sans concession. Et inhabituelle. Vantant le patriotisme comme nécessaire moyen d’intégration des minorités, le prélat voyait dans le déni d’identité nationale la cause première de nos récents troubles: «Ce que la France n’a pas fait, c’est de faire sentir à ceux qui vivent chez elle qu’ils en font vraiment partie. Ils parlent français mais ils ne se sentent pas français.»

Constatant l’échec du multiculturalisme qui selon lui fait obstacle au sentiment national, l’évêque analysait: «Le multiculturalisme autorise les autres cultures à s’exprimer, mais il empêche la culture de la majorité d’exprimer ses victoires, ses combats, ses joies, ses souffrances.» Empêcher la culture de la majorité d’exprimer ses victoires: quelques jours plus tard, la France s’abstiendrait de célébrer Austerlitz pour ne pas chagriner quelques fanatiques qui ne voient en Napoléon que le restaurateur de l’esclavage. Ce n’est pas notre prélat, en tout cas, qui joindrait sa voix à celle des contempteurs de la colonisation: «L’Empire, dit-il, n’était pas totalement une mauvaise idée.»

Enfin, vous dites-vous, un évêque français qui parle haut et clair ! Pardon? Français ? qui a dit qu’il s’agissait d’un Français? Car notre homme est archevêque d’York de son état,numéro deux de l’église d’Angleterre. Anglais, alors? Même pas: John Sentamu, premier archevêque noir de l’Eglise anglicane, nous vient d’Ouganda. Ce qui donne davantage de prix à ce tribut payé à l’ancien colonisateur par celui qui passa toute sa jeunesse en Afrique: «L’Angleterre est la culture dans laquelle j’ai vécu, et que j’aime.»

Et nos évêques, alors,que leur a inspiré cette crise des banlieues qui les concerne autrement directement? Trois fois rien. Une déclaration de Mgr Ricard, le 5 novembre, à l’issue de l’assemblée plénière de la conférence des évêques de France à Lourdes, rédigée dans ce style bureaucratico-lénifiant qui a tant fait pour rendre nos prélats inaudibles: par sa bouche, les évêques expriment «leur vive préoccupation», saluent le travail des associations qui œuvrent en banlieue «pour un vivre ensemble fraternel» (sic), citent quelques causes «souvent évoquées» de ces troubles: «l’urbanisation récente, les difficultés de l’emploi pour les jeunes, l’instabilité dans la vie familiale ».Assurant que la répression n’est pas «une réponse à la hauteur de ces tensions dramatiques »,Mgr Ricard tranche avec audace: «Nous devons nous interroger sur ce qui peut engendrer de telles spirales de violence». Forte parole ! Dans cet ahurissant filet d’eau tiède, quelques mots brillent par leur absence : immigration, intégration, islam – cet islam que Mgr de Berranger, dans le Parisien du 24 décembre, n’évoquera que pour le disculper. S’interroger, oui, mais pas trop loin des sentiers balisés… Quant à Mgr Vingt-Trois, il a expliqué au cours de la même assemblée plénière : «Ces événements graves ne doivent pas être lus selon le schéma d’un choc des civilisations.» Selon quel « schéma», alors, « doivent-ils être lus » ? Mystère et boule de gomme.

Insignifiante à force de circonspection, zélée à confondre la prudence avec la pusillanimité, préférant le silence au risque, le conformisme à la contradiction, la certitude de décevoir au péril de déplaire, la parole épiscopale est toujours prompte à nous dire ce qu’il ne faut pas penser, mais jamais ce qu’elle pense. Pour quoi faire, d’ailleurs, puisqu’elle pense toujours à l’unisson de la vulgate médiatique? On en vient à souhaiter que la discrimination positive oblige la conférence épiscopale à accepter en son sein quelques éléments étrangers, venus d’Ouganda ou d’ailleurs – de pays en tout cas où l’on ne craint pas, sous prétexte qu’on est homme d’Eglise, de scandaliser. Comme Mgr Sentamu – ou un certain Jésus-Christ.

 

 

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