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La
Prêtrise pour tous !
Editorial, par Laurent Lineuil
Objections - n°1 - décembre 2005
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Fin
septembre, on apprenait que le Vatican s’apprête à publier un document
rappelant aux directeurs de séminaires l’impossibilité d’admettre les
candidats à la prêtrise ayant des tendances homosexuelles. Bien que
cette instruction, pas encore publiée à l’heure où nous écrivons, ne fasse
que rappeler une position ancienne, appliquée avec plus ou moins de rigueur
selon les époques, et plutôt moins depuis les années soixante-dix, les
médias hostiles à l’Eglise et les porte-parole de la communauté gay n’ont
pas manqué de crier au durcissement des positions morales du Vatican sous l’influence
de leur fantasme réactionnaire préféré, j’ai nommé Benoît XVI.
Exemplaire
est ainsi la chronique de François Reynaert dans le Nouvel Observateur du
6 octobre, spirituellement baptisée le Saint-pire selon ce sens du calembour
qui constitue l’essentiel de l’esprit de ce satiriste, par ailleurs auteur d’un
livre intitulé Nos amis les hétéros. Sur un sujet qui lui fait
à coup sûr perdre tout son sens de l’humour, il reprend bien évidemment
toutes les vieilles lunes sur l’Eglise-ennemie-du-plaisir, sur sa « haine du
corps » (un tour de force pour la religion de l’Incarnation !) et ses «
fantasmes de pureté » (les seuls fantasmes aujourd’hui inacceptables). Plus
original et plus intéressant : ce qui choque le plus notre anticlérical
obsessionnel, c’est que l’Eglise prétende s’opposer au souhait d’homosexuels
« d’accomplir leur rêve, un rêve digne et beau en soi : devenir de bons
prêtres ». On se pince, on relit, on s’émerveille à nouveau :
emporté par son enthousiasme pour la cause homosexuelle, cet ennemi déclaré
du catholicisme n’a pas hésité à écrire cette phrase si contraire à tout
ce qu’il ressent au plus profond de ses fibres : « un rêve digne et beau en
soi : devenir de bons prêtres » (un reste de pudeur l’a retenu d’écrire :“de
saints prêtres”). De même que le mariage, institution honnie lorsqu’elle
était un monopole hétérosexuel, devient le plus désirable des destins lorsqu’il
s’ouvre aux couples homosexuels, voici la prêtrise, hier encore objet de tous
les sarcasmes, digne et belle chose dès lors qu’elle accueillerait les
désirs homosexuels.
On
connaît la vieille blague : « Le mariage des prêtres ? Pourquoi pas, s’ils
s’aiment ? » Blague qui n’en est déjà presque plus une, mais presque une
revendication sérieuse. Car derrière la phrase ahurissante de François
Reynaert, il y a une logique implacable, qui est celle de notre époque : tout
comportement, aussi aberrant soit-il, devient juste et bon dès lors qu’il est
consacré par un désir. Et ce désir suffit à créer un droit.
Est-il bon pour un enfant d’être élevé par deux parents du même sexe ? Qu’importe,
puisque le “couple” en question le désire : c’est son droit. Est-il
juste de dénier à l’Eglise le droit (car c’en est un celuilà, un vrai) de
recruter ses futurs prêtres selon des critères qui ne sont pas ceux du monde,
mais qui sont adaptés à leur mission surnaturelle et à leur mode de vie
particulier ? La question ne se pose pas : puisqu’un homosexuel désire être
prêtre, cela devient automatiquement un droit.
Logique
des droits devenue folle, impérialisme du désir qui méprise tout principe de
réalité, nous voici au cœur de l’anticivilisation qui déferle. Face à ce
narcissisme triomphant qui nie tout bien supérieur au “tout-à-l’égo”,
toute règle autre que celles qui favorisent la gloutonnerie toujours croissante
du principe de plaisir, il n’y a plus qu’une seule institution qui persiste
à résister, encore et toujours, à l’envahisseur : c’est l’Eglise
catholique. Parviendra-t-elle à faire de ce signe de contradiction un étendard
de ralliement ? Saura-t-elle, contre l’absolutisme du désir, rétablir la
souveraineté de l’Esprit ? C’est l’un des enjeux, et non des moindres, du
pontificat qui s’ouvre.
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