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Un “lobbying catholique” aux Etats-Unis ?
Daniel Hamiche
Objections - n°1 - décembre 2005

« Je n’ai pas le souvenir dans l’histoire politique récente, qu’un parti et une campagne aient prêté une attention aussi grande aux catholiques pratiquants » remarquait, à quelques semaines du scrutin présidentiel de novembre 2004, Leonard A.  Leo qui fut le conseiller de campagne officieux de George W.  Bush pour les affaires catholiques. Une « attention » partagée par le brillant stratège électoral du Président, l’épiscopalien Karl Rove, qui avait compris que la bataille présidentielle se gagnerait à droite, pourvu qu’on l’axe principalement sur les values (les valeurs) et non pas sur les issues (les problèmes), d’où « l’attention » très appuyée en direction des catholiques et notamment ceux qu’on qualifie aux États-Unis de conservateurs.

Que les catholiques soient devenus un enjeu électoral, cela n’est pas immédiatement évident à un observateur français, dont la conception qu’il se fait de l’Amérique balance entre à-peu-près et préjugé.  Le catholicisme américain est quasiment ignoré de ce côté-ci de la « mare ».  Il faut donc en dire quelques mots.

La « montée en puissance » du catholicisme

Quand les treize « colonies » se déclarent indépendantes de la Couronne britannique, le 4 juillet 1776, les catholiques y forment une communauté peu nombreuse : environ 20 000 fidèles pour une population totale estimée à 3,5 millions d’habitants.  À l’époque où le R. P.  John Carroll est nommé par Pie VI Supérieur des Missions des États-Unis (9 juin 1784) puis Préfet Apostolique (26 novembre suivant), leur nombre a peu bougé : 15 800 catholiques (dont 3000 Noirs) dans le Maryland (qui comptait 254 000 habitants), 7 000 en Pennsylvanie, 1 500 dans l’État de New York, 200 en Virginie.  En 1790, année suivant celle de l’érection du premier diocèse des États-Unis (6 avril 1789 à Baltimore dans le Massachusetts), on compte entre 35 et 40 000 catholiques sur une population d’environ 4 millions d’habitants.

D’un seul évêché, de deux douzaines de prêtres, d’une trentaine de paroisses (regroupant à peine 1 % de la population), on est passé, en 2005, à 197 diocèses (179 territoriaux, 1 aux Armées, 17 éparchies pour les rites orientaux), environ 42 500 prêtres (11 % du clergé mondial), plus de 18 800 paroisses, et un nombre communément admis de baptisés catholiques de 64,8 millions (dont 50,9 millions d’électeurs…), soit 23 % de la population des États-Unis.

Le catholicisme est donc, aujourd’hui, la première « dénomination » religieuse, loin devant les 52 « dénominations » protestantes regroupées, sous l’appellation générique d’evangelicals (« évangélistes »), dans la National Association of Evangelicals, (représentant environ 30 millions de fidèles en 2005).

Autre chiffre d’intérêt, celui des pratiquants. Même si le pourcentage a sensiblement baissé depuis l’apogée de 1957-58 (74 % de pratiquants, soit près de 29 millions de personnes), il est encore très important et stable depuis 2000 : près de 33 % des catholiques américains sont des pratiquants réguliers (environ 22 millions de personnes).

Les résultats inattendus de la présidentielle

L’élection présidentielle de 2004 a vu s’affronter deux candidats principaux :

- Le président sortant George W.  Bush, républicain et méthodiste, notoirement pro-Vie (encore que peu hostile à la contraception…) et qui, tout au long de sa campagne, exprima sa volonté de défendre la « culture de vie », expression « empruntée », en quelque sorte, à Jean-Paul II ;

- Le sénateur du Massachussets John Kerry, premier « catholique » à pouvoir envisager être élu président des États-Unis depuis le précédent de John F.  Kennedy en 1960, mais qui est ouvertement pro-Choice, c’est-à-dire favorable à l’avortement à la demande et strictement opposé à toute remise en cause de l’arrêt Roe contre Wade de la Cour Suprême des États-Unis en 1973, qui a rendu constitutionnel le droit à l’avortement et donc inconstitutionnel sa prohibition.

Jusqu’à 2004, les catholiques américains constituaient un des gisements électoraux du parti démocrate.  Lors de l’élection présidentielle de 2000, le candidat démocrate Al Gore bénéficia de la moitié des suffrages catholiques (13,7 millions de voix) alors que Bush n’en récoltait que 47 % (12,9 millions).

Les résultats sortis des urnes vont démontrer que les électeurs catholiques viennent de réaliser un swing vote, un « vote bascule », renversant toutes les prévisions.

Premier constat.  63 % des électeurs catholiques se présentèrent aux urnes (contre 57 % en 2000), alors que le taux de participation général n’était que de 53 % des inscrits (50 % en 2000).  Bush récolta 52 % des suffrages catholiques (51,4 % de tous les suffrages) soit 16,6 millions de voix (sur 60,7 millions d’électeurs), tandis que Kerry n’en remportait que 47 % (48,6 % de tous les suffrages) soit 15 millions de voix (sur 57,3 millions d’électeurs).

Deuxième constat.  Les catholiques pratiquants ont plus largement voté pour Bush (56 %, 7,9 millions de voix) que les catholiques peu ou non pratiquants qui ont, eux, majoritairement donné leurs votes à Kerry (50 %, 8,9 millions de voix).

Troisième constat.  Parmi les catholiques pratiquants, ce sont les plus conservateurs (ou orthodoxes, si l’on préfère), ceux qui ne remettent en cause aucun enseignement de l’Église (on les catégorise Traditionalist Catholics dans la sociologie religieuse américaine, mais non dans le sens où nous entendons « traditionalistes » en France) qui ont le plus massivement voté pour Bush (72 %, contre 28 % pour Kerry). Corollaire : ce sont les catholiques progressistes (catégorisés Modernist Catholic) qui ont le moins voté pour Bush : 31 %, contre 69 % pour Kerry).

Quatrième constat.  Au plan national, Bush ne l’a emporté sur Kerry que de 3,3 millions de voix dont 1,6 million de catholiques. C’est bien le glissement de l’électorat catholique qui a permis la victoire incontestable de Bush.  Imaginons un instant que ce 1,6 million de voix se soient portés sur Kerry plutôt que sur Bush : l’avance de ce dernier n’aurait plus été que de 100 000 voix (0,09 % des suffrages exprimés) ! On était reparti pour un recomptage des votes comme en 2000…

Mais comment expliquer ce swing vote de l’électorat catholique ?

 

 

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