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Le Jésus des kiosques
Abbé Christophe Héry
Objections - n°1 - décembre 2005

« Jésus, Dieu malgré lui » : tel le médecin de Molière, le Jésus du Point (22 septembre 2005) offrait un énième spécimen de la production récurrente des magazines sur ce dossier vendeur, que la saison ramène périodiquement dans les kiosques.  Les docteurs consultés se donnent mission de déniaiser ceux qui croiraient encore en un faux Jésus – c’est-à-dire les chrétiens : « Le vrai Jésus aurait d’abord été un guérisseur et un exorciste, d’un pouvoir charismatique étonnant.  Dévoué jusqu’à la mort à la cause de Dieu, il entendait d’abord régénérer le judaïsme », brode “scientifiquement” Le Point. Ce gourou extraordinaire a malheureusement échoué.  Ses disciples, plus tard, l’ont divinisé, créant sa légende dorée.

Il y a deux manières d’aborder la vie de Jésus : ou bien admettre la possibilité de la foi et du surnaturel chrétien, ou bien l’écarter a priori et réduire le phénomène Jésus aux dimensions de l’homme.  Depuis Renan (Vie de Jésus, 1863), les tenants de la posture humanitaire se répliquent en boucle.  Croyant innover, ils varient indéfiniment le même thème, tels en leur temps Gérard Messadié (L’homme qui devint Dieu, 1988), Jacques Duquesnes (Jésus, 1995), ou Prieur et Mordillat (Jésus contre Jésus, 2000, Jésus, illustre et inconnu, 2001, Jésus après Jésus, 2004).

L’éternel fantôme de Renan

Qui est le Jésus des kiosques ? Tout sauf ce qu’en croient les bons catholiques.  Pour Duquesnes comme pour Dan Brown, il est un sage tel Bouddha, un réformateur à la Zarathoustra, un prophète comme Moïse ou Mahomet, un « homme qui devint Dieu », un spirituel illuminé, un mystique, un initié, une préfiguration exaltée des Justes de Camus, voire un anarchiste de gauche engagé, jouet des passions humaines… tout flotte pêle-mêle dans l’imaginaire depuis 1863. Comme dans la vieille hérésie arienne, Jésus s’affirme en homme supérieur.  Selon Renan, qui fut au XIXème siècle le grand initiateur de cette posture intellectuelle face au Christ, son « œuvre essentielle est de se faire aimer ».  Par leur fascination à son égard, les disciples créent le mythe et la légende des miracles.  Car « avec la foi et la prière l’homme a tout pouvoir sur la nature ».  La vie de Jésus est divine, non que sa personne ou son être le soient, mais « il est permis de l’appeler divin en ce sens qu’il est l’individu qui a fait faire à son espèce le plus grand pas vers le divin », c’est-à-dire vers la prise de conscience du bonheur humain.  Toutefois, « il est probable aussi que beaucoup de ses fautes ont été dissimulées »… Il nous aura fallu Martin Scorcese pour les révéler à l’écran et Da Vinci Code pour le répandre obscurément.

Qu’advient-il des miracles ? Phénomènes psychosomatiques ! Pas de diableries non plus.  Les possédés que Jésus délivre sont des créatures sujettes à la mélancolie, l’hystérie, l’inattention auditive ou autres « bizarreries » qu’à l’aide de « douces paroles » il est aisé de soulager.  Par l’aura du gourou, à sa vue déjà les malades guérissent.

Transfert et autosuggestion – il suffisait d’attendre Renan : « Le contact d’une personne exquise ne vaut-elle pas les ressources de la pharmacie pour donner une guérison » avance sans rire l’auteur de la Vie de Jésus.

La Résurrection ? Une hallucination collective des disciples obnubilés jusqu’à la transe par le souvenir de leur Maître : « La communauté chrétienne décida que Jésus ne mourrait pas.  » Pierre rêve éveillé que le Christ ressuscité lui demande par trois fois s’il l’aime.  Messadié adaptera le scénario en affirmant bonnement que le Christ n’est pas mort en croix (c’est la thèse du Coran).

Renan, sous un ton douceâtre, distille sa haine méthodiquement.  Le désir de blesser la conscience chrétienne perce avec une jouisseuse férocité : « Pendant que Jésus ressuscitait de la vraie manière, c’est-à-dire dans le cœur de ceux qui l’aimaient (les naïfs !), pendant que la conviction inébranlable des apôtres (Dieu, qu’ils sont obtus !) se formait et que la foi du monde se préparait, en quel endroit les vers consommaient-ils le corps inanimé qui avait été le samedi soir déposé au sépulcre ? »

Et le grand homme de conclure parce qu’il présuppose en permanence : « La foi absolue est incompatible avec l’histoire sincère. » Il s’emploie donc à déformer l’histoire, au nom d’une nouvelle foi épurée. La foi chrétienne est trop historique : elle reconnaît littéralement le fait de l’incarnation, de la résurrection, des miracles, de l’accomplissement des prophéties et le fait de la Révélation de Jésus-Christ (Bruckberger, 1983).  Le Credo ne formule pas autrement les choses : je crois en Jésus-Christ, qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce Pilate, est mort, a été enseveli, est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux, siège à la droite du Père…

La « foi absolue » de Renan et de ses émules, soi-disant au-delà de l’histoire, manifeste un relent de fidéisme.  A contrario, le Jésus de Jean-Paul Roux se présente comme un anti-Renan : « Dira-t-on qu’il y a incompatibilité entre la science des religions et la foi, qu’un chercheur ne peut pas faire œuvre scientifique en admettant ce qui précisément ne l’est pas ? Ce serait une étrange querelle.  On peut appliquer des méthodes de travail avec autant de rigueur en acceptant le surnaturel comme une donnée de base qu’en le rejetant ; l’acte de foi accompli, on se trouve plus à l’aise pour analyser les faits et expliquer les textes qu’en demeurant en marge de leur propos » (J. -P.  Roux, Jésus, 1990).

La foi catholique est la grâce de Dieu, éclairant l’esprit.  Loin d’être un saut dans l’irrationnel ou l’euphorie mystique, elle a pour objet les paroles historiques prononcées par Jésus et les Mystères de sa vie, attestés comme faits historiquement advenus, mais toujours contemporains et efficaces pour notre salut : ce sont les paroles et les actes de la Personne du Fils de Dieu, Parole faite chair, qui subsiste éternellement au-dessus des temps.  Le Credo résume la formulation certaine du contenu de ces paroles et de ces Mystères, garantis par l’Église, et telle que nous lui devons l’assentiment de notre esprit.

Pourquoi tant d’intérêt et de fascination pour Jésus, s’il n’est pas la Voie unique, la Vérité manifestée, la Vie communiquée, s’il n’est pas Dieu.

 

 

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