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Objections -
n°1 - décembre 2005
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Michèle
COINTET, De Gaulle et Giraud : l’affrontement (1942-1944), Ed. Perrin,
549 p. , 23. 50 €.
Dans
ses souvenirs, l’Amiral de Gaulle s’est employé à désolidariser son père
de la pensée d’Action française. Pourtant, l’adage maurrassien du «
Politique d’abord » s’applique parfaitement au De Gaulle des années
40. L’historienne Michèle Cointet le démontre avec brio dans son livre
sur l’affrontement Giraud/De Gaulle. Le premier y fait figure de vrai
militaire tandis que le second apparaît comme le calculateur politique
insatiable. Libérateur de la Corse et de la Tunisie, homme de terrain,
Giraud va se laisser (bêtement ?) emporter par un De Gaulle implacable qui n’a
jamais supporté l’évidence américaine. En l’éliminant, De Gaulle
lance l’épuration et fait oublier le débarquement du 8 nov.
1942. Désabusé, le soldat Saint-Exupéry qualifiait la vie secrète d’Alger
d’« (…) usine à haine, à irrespect qu’ils appellent le redressement (…)
Je les emmerde. Je suis sous le danger de guerre le plus nu, le plus
dépouillé qu’il soit possible. Absolument pur. » Alors que la
mode penche précisément à faire de Charles de Gaulle un « pur », ce livre
majeur redonne à la réalité historique toute sa place.
LMS
Pierre
COSME, Auguste, Ed. Perrin, 345 p. , 21,20 €.
La
vie d’Auguste nous paraît intemporelle. Source d’inspiration pour de
nombreux auteurs classiques ou hommes politiques de tout temps, elle reste
biaisée dans notre mémoire d’écolier par une interprétation trop
moderniste, souvent anachronique. Pierre Cosme, ancien élève de l’École
Française de Rome, fait ici le pari de revenir aux sources, alimentées par les
découvertes archéologiques les plus récentes. Il nous livre un travail
précis sur un sujet difficile, d’autant plus difficile que l’ascension du
neveu de César, qui en fit son héritier, a été laborieuse parce que liée à
de multiples conflits d’intérêts. Angoissé, insomniaque d’après
Suétone, plus réformateur que militaire, le vainqueur d’Actium profite de l’aspiration
populaire à une paix civile troublée par les désordres républicains. A
la lecture d’un tel ouvrage, on se dit que la vie d’un monarque autoritaire
n’est pas de tout repos, surtout si celui-ci a pour objectif de fonder et de
consolider un empire. Auguste reste effectivement le père d’une œuvre
de paix. Fait unique dans l’histoire de l’Occident, elle va durer
quatre siècles…
LMS
Anne
Bernet, Charette, Ed. Perrin, 488 p. , août 2005, 23 €
Charette
n'était pas un petit saint. Il faut expliquer sa mésentente avec les
autres chefs du Parti royaliste, ce perpétuel cavalier seul qui finit, en
hallali, dans le bois de la Chabotterie. Parcours hors-norme, qui fait du jeune
homme léger, que les soirées poitevines ont révélé grand trousseur de
jupons, un chevalier sans peur et sans reproche dont la dernière proclamation
contient ces fières paroles : « Vaincre ou mourir pour mon Dieu et mon roi,
voilà ma devise irréfragable. » On se trouve devant l'un de ces
chevaliers des temps anciens qu'aurait pu adouber le preux Bayard et devant un
être complexe, étonnamment moderne, singulièrement libre, menant son combat
avec cette énergie que donnent certaines formes du désespoir. Jusqu'au
bout. Sans illusion sur les Bourbons, Charette a vu la faiblesse de Louis
XVI, puisqu'il se trouvait aux Tuileries en août 1792.
Après
avoir assisté à la chute de la monarchie, il a éprouvé, au cours de la plus
cruelle des guerres, la trahison ou le dédain des Princes, il n'en attend
rien. Comme s'il n'avait pas besoin d'un roi pour être royaliste ! Ou
plutôt, comme si sa foi chrétienne lui indiquait un chemin politique, qu'il
considérera jusqu'à sa mort dans les premiers mois de 1796, comme le chemin de
l'honneur. Et comme si son tempérament de feu transformant toutes ses
douleurs en colères, l'avait tenu debout jusqu'au dernier instant…
JP
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