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Le réarmement laïque
Pierre Voisin
Objections - n°1 - décembre 2005

Au secours, la laïcité revient… Ou tente de revenir.  Présentée comme un recours contre l’islamisme, elle échoue finalement à exister hors de l’archaïque confrontation avec le catholicisme pour laquelle elle fut créée.

A priori, ç’aurait dû rester une histoire banale.  La commune de Trélazé, dans le Maine-et-Loire, ayant racheté pour un euro symbolique un orgue du XIXème siècle, en avait subventionné la restauration, avec la participation du Département et de la Région.  Pas tout à fait illogiquement, l’instrument avait été installé dans l’église paroissiale.  Or, il se trouva dans la bourgade un laïcard pour déposer plainte auprès du tribunal administratif de Nantes, qui vient de lui donner raison en condamnant la municipalité.  Le maire, socialiste bon teint, a bien tenté d’expliquer que l’orgue servira à l’école de musique municipale et à des concerts : mais ne reprochera-ton pas de porter atteinte à la laïcité en conviant des enfants et des mélomanes à pénétrer dans un temple religieux ? Le malheureux a aggravé son cas en avouant que l’instrument pourrait être utilisé pendant des mariages : ne conviendrait-il pas au contraire d’en interdire l’accès au curé et à ses ouailles ?

Cette anecdote ne signifierait pas grand-chose si elle ne s’inscrivait pas dans une suite de tracasseries et de petites persécutions qui se multiplient contre les catholiques.  L’installation sur le sol français de l’islam, et plus encore d’un islamisme radical dont le hidjab est sans doute le signe le plus visible, a provoqué, au sein d’une société en voie de déchristianisation, une inquiétude qui se traduit par un recours à la laïcité, présentée comme l’unique solution susceptible d’enrayer les progrès de cet islamisme.  La querelle s’étant d’abord focalisée sur le port du foulard à l’école (qu’elle dépasse largement), a débouché sur une loi interdisant d’arborer « ostensiblement » dans les établissements scolaires, non pas le seul foulard, mais les signes religieux quels qu’ils soient.  Ce subterfuge préserve la neutralité de l’Etat laïc et permet même aux ultras de renouer avec l’idéologie anticléricale chère à Voltaire et au petit père Combes ; il s’agit de nouveau d’écraser l’Infâme, autrement dit le catholicisme.

Une multiplication des « bavures »

C’est ainsi que la mission d’information sur la question du port des signes religieux à l’école, réunie sous la houlette du président de l’Assemblée nationale, l’inimitable Jean-Louis Debré, avait envisagé, non seulement d’interdire tout signe d’appartenance religieuse dans les établissements publics, mais d’étendre cette mesure à l’enseignement privé sous contrat, autrement dit à l’immense majorité des écoles chrétiennes ! Il a tenu à Jean-Pierre Raffarin, alors premier ministre et mieux doué de raison que les députés, que les crucifix ne soient pas bannis des préaux catholiques… La loi qui a finalement été votée est certes plus équilibrée. Pascal Clément, l’actuel garde des Sceaux, alors chargé par Raffarin d’en préparer le texte, écrivait sincèrement dans son rapport à l’Assemblée nationale qu’elle permettrait « de rétablir un juste équilibre entre une liberté de conscience qu’il n’est ni question de remettre en cause, ni d’affaiblir, et un principe de laïcité que l’on souhaite ouvert et tolérant.  » Mais lorsque l’on a affaire à des laïcistes militants, cette tolérance n’est qu’un vœu pieux, si l’on ose dire.  La loi à peine votée, les « bavures » se sont multipliées : dans une école du Nord, les élèves ont été privés du traditionnel saint Nicolas en chocolat. A Coulommiers, la présence d’un aumônier dans un lycée a provoqué une polémique.  Même les traditions païennes sont menacées : à Lagny un groupe d’élèves musulmans a tenté d’obliger le proviseur à retirer le sapin de Noël…

A lire le rapport Clément, il apparaît pourtant clairement que seule l’expression radicale de la religion musulmane pose problème. Mais nos républicains ne veulent pas sembler viser exclusivement l’islam.  Pas de « discrimination » entre les religions !

“L’histoire de la France n’est pas une page blanche”

Ce beau principe peut mener loin.  La Commission Stasi, mandatée par le président de la République pour plancher – elle aussi ! – sur le problème, recommandait, au nom du principe républicain de l’égalité entre les religions, l’introduction dans le calendrier scolaire de certaines fêtes juives et musulmanes ! Nicolas Sarkozy enterra le projet en soulignant avec sagesse que « l’histoire de la France n’est pas une page blanche » et que « les religions minoritaires doivent trouver des accommodements avec la religion majoritaire qui a façonné, de longue date, l’organisation de notre vie sociale et qui en demeure le socle principal.  » Paroles de simple bon sens, qui reconnaissent l’évident apport du christianisme en général et du catholicisme en particulier au patrimoine historique, culturel et social de la nation française. Officialisée, cette reconnaissance pourrait apporter un début de réponse aux difficultés que pose l’irruption de l’islam au sein de la société française. Mais peut-elle se concilier avec la laïcité ?

Nicolas Sarkozy lui-même n’en est pas à une contradiction près.  S’il souhaite partiellement revenir sur la loi de 1905, c’est moins pour fortifier la position de l’Eglise catholique – ou, plus largement, du christianisme – que pour pratiquer une « discrimination positive » en faveur de l’islam, qui bénéficierait d’un financement public pour lui permettre de s’installer plus commodément en France.

Involontairement sans doute, le ministre de l’Intérieur – et des cultes – n’en a pas moins posé la vraie question : le principe de laïcité se refuse à prendre en compte le rôle privilégié du catholicisme dans l’organisation de notre vie sociale.  Le modus vivendi qui a longtemps prévalu éclate très logiquement au plus mauvais moment : celui où la France doute d’elle-même, de son passé et de son identité, alors qu’une religion exogène et conquérante cherche à s’imposer.  La laïcité prétend faire obstacle à l’islamisme ; mais, n’ayant été créée que pour lutter contre l’Eglise catholique, elle se cherche elle-même, pour finalement découvrir que c’est à cette lutte-là que tient toute son existence.

La laïcité ? ça n’existe pas !

 

 

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