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Abbé G. de Tanoüarn
Objections - n°1 - décembre 2005

Le drame de l'Eglise catholique est qu'elle représente un monde qui s'amenuise, qui s'étiole, une sorte de réserve dans laquelle les tribus luttent à mort pour s'arroger le monopole de l'appellation, sans se préoccuper aucunement du bien commun à l'ensemble.  Si Benoît XVI est différent et parfois difficile à comprendre, c'est qu'il ne se situe pas à l'intérieur de l'une de ces tribus dont il aurait à défendre les intérêts.  Il a pris suffisamment de distance pour mener son action, avec pour perspective ultime, le bien commun.  S'il y a une bonne nouvelle dans l'Eglise, elle est là d'abord. On pourra nous reprocher d'avoir écrit : « Benoît XVI corrige le Concile.  »

Il est vrai qu'au moment où nous écrivons cela, Leonardo Boff, théologien progressiste emblématique, en tournée de conférence dans le Pays Basque espagnol, insiste sur le fait que Benoît XVI lui paraît plus « ouvert à l'esprit de Vatican II » que Jean Paul II.  On sait que son ami le théologien suisse Hans Küng a été reçu plus de 90 minutes par le Saint-Père à la fin du mois d'août… L'optimisme de Boff n'est sans doute pas étranger à ce qu'il a pu apprendre de Küng sur cette longue conversation avec le pape. Il énumère trois “qualités” qui font de Benoît XVI un pontife acceptable pour les progressistes, dont il se fait ici le porteparole officieux : « Benoît XVI retourne vers le concile Vatican II et ce n'était pas sûr qu'il le fasse » ; « il pratique une décentralisation institutionnelle qui met à nouveau en valeur les Églises locales ; avant lui, il y avait un extraordinaire processus de centralisation » ; enfin « il renforce le dialogue interreligieux en vue de la paix dans le monde.  »

Faut-il considérer comme dangereuse cette triple perspective ?

Quant au dialogue interreligieux d'abord : nous en avons peu parlé dans ce numéro.  Je crois qu'il faut souligner le rôle politique de la papauté vis-à-vis des autres religions.  Benoît XVI compte assumer le caractère international de sa fonction et demeurer cet arbitre des religions pour la paix du monde qu'a voulu être Jean Paul II. C'est important.  Mais il récuse, dans l'héritage wojtylien, la dimension théologique, d'un Esprit saint qui serait commun à toutes les religions, ainsi que Jean Paul II avait tenté de l'expliquer à la Curie le 22 décembre 1986, après l'événement interreligieux d'Assises (à l'époque, le cardinal Ratzinger n'était venu à Assises que pour obéir à la prière instante du pape). L'attitude de Benoît XVI dans le dialogue interreligieux est une attitude politique, recueillant les fruits de l'extraordinaire prestige que Jean Paul II a donné à la papauté sur le plan international. Pas une attitude religieuse, qui conduirait à mettre la foi chrétienne sur le même plan que les croyances humaines.

Quant à la centralisation, ensuite. Le cardinal Ratzinger, dans un document de 1992, L'Eglise comme communion, avait corrigé les paragraphes 23 et 25 de la Constitution doctrinale Lumen gentium.  Alors que l'on pouvait lire dans le texte du Concile : « L'Eglise locale est par elle-même (ex sese) l'Eglise catholique (ou universelle) », le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi enseigne lui, à cette date exactement le contraire : « En naissant dans et de l'Eglise universelle, c'est d'elle et en elle que les Églises particulières, que les Églises locales ont leur universalité.  »

Que Benoît XVI soit d'un abord plus simple et plus direct que Jean Paul II, qu'il fasse moins “monarque” que le charismatique Wojtyla, et puis qu'il cherche par tous les moyens à redonner vie aux Églises locales, souvent bien abîmées, c'est l'évidence.  Mais pas au détriment de la théologie traditionnelle sur le Primat du siège romain ! Dernier point : Benoît XVI « retourne vers le concile Vatican II » déclare Boff.  Notons la suite : « Je n'étais pas sûr qu'il le fasse.  » L'enseignement de Leonardo Boff a été condamné par le cardinal Ratzinger avec toute la théologie de la Libération dans un document fracassant de la Congrégation pour la Doctrine de la foi en 1983.  Le même Leonardo a donc toutes les raisons, 20 ans après, de se méfier du cardinal Ratzinger devenu pape et de son enseignement.  S'il constate que Benoît XVI « retourne » au concile Vatican II, entendons-nous : il s'agit du concile Vatican II « lu à la lumière de la tradition » comme le pape l'a déclaré à Mgr Fellay, citant intentionnellement la célèbre formule de Mgr Lefebvre.  Benoît XVI publie sa première encyclique le 8 décembre prochain, pour le 40ème anniversaire de la clôture du Concile.  Ce n'est pas un hasard.  Nous serons certainement fixés, alors, sur la manière dont le pape entend recevoir Vatican II et sur les inflexions qu'il fera forcément subir à ce texte si long et si mou… pour le « lire à la lumière de la tradition ».  D'ores et déjà, il a demandé au cardinal Levada, son remplaçant à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, de procéder à une traduction normative de tous les textes du Concile.  Pourquoi, sinon pour limiter les dérapages sémantiques… ou alors pour les organiser, mais dans le bon sens, comme il l'a fait en 2000, dans Dominus Jesus, - soutenant que « L'Eglise de Dieu subsiste dans l'Eglise catholique » signifie « L'Eglise de Dieu est uniquement l'Eglise catholique »…

Face aux loups

Et pourtant… Les plus impatients, attentifs aux gages que le pape paraît donner sur sa gauche, semblent déjà perdre espoir en ce Pontife, qui nous a pourtant demandé de prier pour lui, afin qu'il soit capable de faire face aux « loups » qui l'entourent. D'autres pensent que le pape se fera discret dans les signes extérieurs de son Ministère, pour mettre en place une nouvelle politique de nomination d'évêques.  En France trois des quatre évêques nommés par le nouveau Pontife sont plutôt conservateurs : Mgr Centène à Vannes, Mgr Legrée à Saint-Claude et Mgr Le Vert à Meaux.  Est-ce un signe ? Au Synode, les Pères synodaux ont docilement répété la leçon du nouveau pontife sur l'art de bien célébrer la messe ? Sera-ce suffisant ?

À l'issue du Synode, le cardinal Daneels, réputé pourtant pour son optimisme progressiste, répondait, à propos de la liturgie ce que le pape dirait sans doute du Concile : « Il est considéré comme un acquis et non plus comme une nouveauté.  On corrige, mais il est impossible de revenir en arrière.  » On corrige ! Les corrections ne constituent pas un vœu pieux.  Elles apparaissent déjà.  Elles ont vocation à se multiplier. Notre rôle, à nous traditionalistes actifs, n'est pas de nous enfermer dans nos guérites en attendant les bras ballants une impossible restauration, mais de contribuer, là où nous sommes, le plus efficacement possible, aux amendements salutaires, par la grâce qui est la nôtre d'une possession tranquille de la foi pleine et entière, dans ses formes les plus authentiques.


En français dans le texte

« Autrefois on parlait beaucoup de l’eucharistie comme d’une assemblée et d’un repas.  Maintenant, on parle plutôt de sacrifice et d’offrande sacrificielle »
Cardinal Daneels, après le Synode, dans La Croix

 

 

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