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Benoît XVI et la liberté religieuse
par Romain Bénédicte
Objections - n°1 - décembre 2005

Contrairement à son prédécesseur, l’actuel Pontife romain est avare de paroles.  Les audiences sont ramenées au strict nécessaire, les discours peu nombreux, les apparitions en public limitées.  Le tempérament de l’homme Ratzinger y est pour beaucoup.  Sa formation aussi. Il aime réfléchir et peser ses mots…

Peu de propos donc sur la liberté religieuse et même quelques textes décevants. C’est le cas notamment dans le récent Compendium du Catéchisme de l’Église catholique.  Sur les liens entre la personne et la société, le Compendium reste ainsi dans une vision maritainienne, conception personnaliste qui fait de la personne la fin de la société et qui oublie Dieu dans sa définition du bien commun (cf.  n°402 et 511). D’une certaine manière, le Compendium est même en retrait par rapport au Catéchisme de l’Église catholique (CEC). Dans le Compendium, la question 444 s’énonce ainsi : « De quelle manière, la personne met-elle en œuvre son droit de rendre à Dieu un culte en vérité et en liberté ? » La question est donc posée uniquement sous l’angle de la « personne » et non sous celui de la société.  Elle n’aborde le sujet qu’en usant de la dialectique moderne du droit et non du devoir.  En revanche, les numéros 2104 et 2105 du CEC sur « Le devoir social de religion et le droit à la liberté religieuse » envisageaient cette problématique selon la double dialectique droit/devoir et personne/société. Dans le numéro 2105, le CEC affirme ainsi : « Le devoir de rendre à Dieu un culte authentique concerne l’homme individuellement et socialement.  C’est là “la doctrine catholique traditionnelle sur le devoir moral des hommes et des sociétés à l’égard de la vraie religion et de l’unique Église du Christ”.  (…) Le devoir social des chrétiens est de respecter et d’éveiller en chaque homme l’amour du vrai et du bien. Il leur demande de faire connaître le culte de l’unique vraie religion qui subsiste dans l’Église catholique et apostolique.  (…)

L’Église manifeste ainsi la royauté du Christ sur toute la création et en particulier sur les sociétés humaines.  » Le texte allait même jusqu’à renvoyer en note à l’encyclique de Léon XIII, Immortale Dei sur la constitution chrétienne des États et à l’encyclique Quas Primas de Pie XI sur la Royauté sociale du Christ.  Si le Compendium renvoie bien au numéro 2104 du CEC, il ignore le numéro 2105, relié pour sa part à ces références pré-concilaires. Alors, la surprise est-elle mauvaise ? Pas forcément ! Plusieurs déclarations de Benoît XVI laissent percevoir quelques espoirs.  Ainsi, lors de sa première messe d’ordination comme pape, Benoît XVI souligne, le jour de la Pentecôte 2005, que la société humaine ne peut exclure les commandements de Dieu : « étant donné qu'une juste organisation humaine ne peut exister que si elle provient de Dieu et si elle unit les hommes dans la perspective de Dieu, les commandements que Dieu lui-même donne ne peuvent manquer à une organisation ordonnée des libertés humaines.  » La finalité ultime de la société est rappelée. Elle doit unir les hommes en vue de Dieu.  Le 9 octobre suivant, Benoît XVI profite de la béatification du cardinal von Galen pour préciser que : « la foi ne se réduit pas à un sentiment privé, peut-être même à cacher lorsqu'elle dérange, mais implique la cohérence et le témoignage également dans le domaine public, en faveur de l'homme, de la justice, de la vérité.  »

Deux interventions amplifient ces déclarations.  La première date du 15 août.  À partir du Magnificat et de la figure du fils prodigue, le souverain pontife médite sur le lien entre Dieu et la liberté de l’homme.  Il montre que la liberté véritable découle de la reconnaissance de Dieu et qu’elle y est liée comme l’effet à sa cause.  Il pointe directement le doigt sur l’erreur moderne : « Telle a été également la grande tentation de l'époque moderne, des trois ou quatre derniers siècles.  On a toujours plus pensé et dit : “Mais ce Dieu ne nous laisse pas notre liberté, il rend étroit l'espace de notre vie avec tous ses commandements.  Dieu doit donc disparaître ; nous voulons être autonomes, indépendants”. » Pour la première fois depuis longtemps, la modernité est désignée clairement comme la responsable de la perte du sens de Dieu, d’une fausse compréhension de la vérité.  Dans la même homélie, le pape y revient même une seconde fois.

“Rendons Dieu grand dans la vie publique”

C’est tout ? Ce serait déjà beaucoup dans l’état actuel de l’Église.  Cependant, dans ces textes, il pourrait ne s’agir que de la personne et non directement des sociétés.  Benoît XVI prend justement soin de ne pas les oublier : « Il est important que Dieu soit grand parmi nous, dans la vie publique et dans la vie privée.  Dans la vie publique, il est important que Dieu soit présent, par exemple, à travers la Croix, dans les édifices publics, que Dieu soit présent dans notre vie commune, car ce n'est que si Dieu est présent que nous pouvons suivre une orientation, une route commune ; autrement, les différences deviennent inconciliables, car il n'existe pas de reconnaissance de notre dignité commune.  Rendons Dieu grand dans la vie publique et dans la vie privée.  »

Le 9 octobre, lors de son homélie d’ouverture du Synode des évêques sur l’eucharistie, Benoît XVI revient sur le sujet.  De la part d’un homme aussi méthodique, de ce professeur, cette insistance ne répond pas au hasard. Elle montre une nette prise de conscience que la société humaine ne peut se sauver sans Dieu.  Il le déclare à nouveau, parlant de l’homme moderne : « Nous voulons posséder le monde et notre propre vie de manière illimitée.  Dieu est pour nous une entrave.  Ou bien on Le réduit à une simple phrase pieuse ou bien Il est nié totalement, mis au ban de la vie publique, au point de perdre toute signification.

La tolérance, qui admet pour ainsi dire Dieu comme une opinion privée, mais lui refuse le domaine public, la réalité du monde et de notre vie, n'est pas tolérance, mais hypocrisie.  »

Et la Royauté sociale du Christ ? Il ne s’agit dans ces déclarations que de reflets de la doctrine traditionnelle du Christ-Roi.  Le terme même de royauté, par exemple, ne rencontre aucune occurrence dans le Compendium du Catéchisme de l’Église catholique.  Il faudrait clarifier dans quel sens on entend la nécessité de la reconnaissance publique de Dieu.  Premiers pas ? Certainement ! Et ils peuvent conduire à une révision de la doctrine conciliaire en matière de liberté religieuse.

 

 

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