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Ce catéchisme qui nous est rendu
Abbé G.  de Tanoüarn
Objections - n°1 - décembre 2005

Publier un catéchisme, c'est forcément s'engager sur la voie de la clarté.  On ne peut pas tricher avec la transmission de la foi ! On ne peut pas biaiser avec un esprit vierge, qui vous demande seulement la parole de Dieu.  « Si votre fils vous demande du pain, lui donnerez-vous une pierre ? » “Faire le catéchisme” (et a fortiori : rédiger un catéchisme), c'est mettre de côté ses états d'âme et « transmettre (simplement) ce que l'on a reçu » comme dit saint Paul.

Après la publication du Grand Catéchisme catholique, en 1994, les conférences épiscopales du monde entier ont été engagées par le pape Jean Paul II à publier leur version abrégée de ce travail, trop important par ses dimensions pour être vulgarisé avec fruit. Aucune ne l'a fait.  Est-ce vraiment un hasard ? Ne ressent-on pas - à travers cette curieuse abstention - le malaise dans lequel se trouve une Église en proie à ce qu'un romancier allemand nommait récemment « l'hérésie de l'informe ».  Les Églises nationales ayant déclaré forfait, le cardinal Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, a relevé le gant que personne, nulle part, n'avait osé ramasser.  Il propose aujourd'hui sa propre version abrégée.  Il la propose à l'Église universelle.  L'ironie de l'histoire veut qu'il le fasse en tant que pape.  Cela nous vaut deux préfaces : l'une où il explique sa méthode de travail et qu'il signe comme cardinal.  L'autre où il encourage la diffusion de l'ouvrage et qu'il signe comme pape : Benoît XVI.  Notez simplement : ce catéchisme abrégé est écrit pour les adultes.  Il est trop long et trop détaillé pour les enfants !

« Nous ne pouvons pas ne pas le faire nôtre… »

Qu'y a-t-il dans ce catéchisme ? Sous forme de questions et réponses, l'essentiel de la foi. Exemple, la belle définition de l'eucharistie : « Jésus-Christ est présent dans l'eucharistie d'une façon unique et incomparable. Il est présent en effet de manière vraie, réelle et substantielle : avec son corps, son sang, son âme et sa divinité. Dans l'eucharistie, est donc présent de manière sacramentelle, c'est-à-dire sous les espèces du pain et du vin, le Christ tout entier, Dieu et homme ».  Voilà pour la question 282.  La question 283 est tout un programme : « Que signifie la transsubstantiation ? » oui, tout un (beau et bon) programme.  « La transsubstantiation est la conversion de toute la substance du pain en la substance du corps de Jésus et de la substance du vin en son sang ».  Ce terme de “transsubstantiation” avait été banni du vocabulaire ecclésiastique. Officiellement pour cause d'œcuménisme.  Il n'existe pas dans le vocabulaire des liturgistes “modernes” qui ont rédigé la messe de 1969 (dite de Paul VI).  On ne le trouve nulle part dans la longue introduction théologico-pratique qui précède le Nouveau rite et que l'on nomme Institutio generalis. Et le voilà revenu !

Mais il n'y a pas que l'eucharistie, qui se trouve si bien définie.  Les réponses concernant les grands dogmes de la foi, Trinité, Incarnation, Rédemption, sont tout aussi claires.  Et cet Abrégé explique aussi les 10 commandements, les 7 sacrements et la prière chrétienne.  Il ose parler non seulement du Paradis mais de l'enfer et du purgatoire… Bref, les connaissances nécessaires au salut sont enfin transmises sans atténuation ni baragouin ! Nous ne pouvons pas ne pas faire nôtre ce catéchisme, venu de Rome…

Un catéchisme qui enseigne Vatican II

Seulement voilà : il n'y a pas que les connaissances nécessaires au salut dans ce catéchisme. Il y a aussi le concile Vatican II.  Et rien n'indique ce qui relève des vérités de foi divine et catholique et ce qui appartient au “Magistère authentique” de l'Église, c'est-à-dire aux développements temporels et temporaires que reçoit l'enseignement de la foi au cours de l'histoire.  C'est dommage.  C'est inquiétant aussi pour l'avenir.

Quant au présent, ne boudons pas notre plaisir, ce qui frappe lorsqu'on examine de près l'enseignement “conciliaire” de l'Abrégé, ce sont les atténuations répétées par rapport au texte de Vatican II.  Pour qui considère les choses de près, le lent travail romain de correction du concile saute aux yeux.  On ne le dit pas encore trop fort. Mais on le fait ! Pouvait-il en être autrement ?

Essayons d'énumérer quelques-unes de ces corrections.  Elles ont un caractère technique, mais cela n'enlève rien à leur importance.

Sur la conscience humaine : les élucubrations de Vatican II sur ce « sanctuaire où se fait entendre la voix divine » (GS n°3) sont revues : on nous parle désormais, selon la doctrine de saint Thomas d'« un jugement de la raison qui, au moment opportun, enjoint à l'homme d'accomplir le bien et d'éviter le mal » (qu.  372).  Si la conscience reste la voix de Dieu, elle ne l'est que pour « l'homme prudent », est-il précisé. Tout se passe comme si l'Église avait décidé de rompre avec l'ambiguïté rousseauiste qui avait marqué la fin des années 60, en reprenant la question morale dans ses termes les plus fondamentaux ! Plus question de dire qu'il suffit d'être sincère, d'être authentique, de vivre sa liberté d'enfant de Dieu : ce vocabulaire christiano-libertaire est définitivement remisé au grenier des vieilles lunes.

Sur l'Église : Vatican II, dès le premier paragraphe de la Constitution Lumen gentium, nous présentait l'Église comme instrumentalisée par une fin plus haute qu'elle.  Elle était définie dès le premier paragraphe comme « le signe et le moyen, le sacrement, de l'union de l'homme avec Dieu et de l'unité du genre humain ». Dans l'Abrégé, cette définition est reprise, mais elle ne tient manifestement pas la première place.  L'aspect d'instrument régulateur, l'aspect rigoureusement institutionnel que prend parfois l'Église de l'Après concile (50 personnes à la messe de la cathédrale le dimanche matin, mais un évêque qui multiplie les conseils aux politiques et aux patrons) semble ici s'estomper.  L'Église n'apparaît pas comme la plus vieille des ONG ! On revient à une conception sociétale, communautaire, du peuple que Dieu s'est choisi : « Le mot Église désigne le peuple que Dieu convoque et rassemble de tous les confins de la terre, pour constituer l'assemblée de ceux qui, par la foi et par le baptême, deviennent fils de Dieu, membres du Christ et temples de l'Esprit saint » (qu. 147).  Notons au passage que cette définition ne permet plus de parler « des Églises » au pluriel : il n'y a qu'une seule Église de Dieu qui est l'Église du Christ : l'Église catholique.

C'est à travers ce prisme vraiment traditionnel que la fameuse formule conciliaire dite du subsistit in: « L'Église de Dieu subsiste dans l'Église catholique » se trouve neutralisée. On reprend pourtant l'expression à la lettre mais en lui donnant une autre portée que celle qu'elle avait dans le texte de Vatican II.  Au lieu de considérer plusieurs Églises qui subsistent ensemble dans l'Église de Dieu, on se demande « Où subsiste l'unique Église du Christ ? » Il est bien clair qu'il n'y en a qu'une, « car le Seigneur a confié tous les biens de la nouvelle Alliance au seul collège apostolique, dont la tête est Pierre » (qu. 162).  On ne peut pas avoir une conception plus exclusive, plus hiérarchique, plus monarchique, plus traditionnelle de l'Église…

Sur les juifs : ils ne sont pas nommés « nos frères aînés », comme Jean Paul II affectionnait à la faire.  On ne parle plus de mission commune aux juifs et aux chrétiens qui « attendraient ensemble le Messie », comme le faisait le Grand catéchisme (n°840).  Il est simplement spécifié : « Dieu a élu le peuple juif avant tous les autres pour accueillir sa parole » (qu.  169).

La restitution a commencé…

On pourrait ainsi multiplier les exemples… Partout dans cet Abrégé, on découvre des corrections, homéopathiques parfois, mais répétées, de l'enseignement conciliaire.  Si nous sommes attachés à la Tradition de l'Église, nous ne pouvons pas ne pas nous réjouir de ce grand mouvement de traditionalisation des esprits dans lequel s'inscrit le catéchisme. Le chemin n'est pas encore achevé ? Sans doute, mais au moins est-il largement initié et, comme disait Aristote : « Le commencement est plus de la moitié du tout.  » Nous manquerions à l'espérance, si nous refusions d'accompagner l'œuvre de régénération du catholicisme romain, entreprise par notre pape Benoît XVI.  Est-il prétentieux de dire simplement que, nous autres traditionalistes, nous le précédons sans doute quelquefois sur le chemin de ce qui n'est pas une restauration de l'édifice, mais une restitution des biens spirituels dont les chrétiens ont été spoliés injustement durant quarante ans.

 

 

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