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Le synode ou comment gouverner l’Eglise
Romain Koller
Objections - n°1 - décembre 2005

Le Synode sur l’Eucharistie comme source et sommet de la vie et de la mission de l’Eglise qui s’est achevé dimanche 23 octobre à Rome apparaît comme une lente ascension vers toujours plus de Tradition.  Attention cependant : s’il faut le juger, ce n’est pas en se plaçant du point de vue des traditionalistes mais plutôt dans le contexte actuel de l’Eglise universelle.

Si la Tradition reproche au concile Vatican II ses effets désastreux, Rome affronte des maux bien plus grands que ceux que l’on peut soupçonner de l’extérieur.  Le navire amiral tangue, car ce qui ronge l’Eglise est un feu intérieur allumé en permanence par les pompiers pyromanes.  Je veux nommer en particulier les clercs imprégnés de progressisme tant liturgique que doctrinal. Pourquoi un Synode sur l’Eucharistie ? Pour rappeler aux évêques, ce qui est le cœur nucléaire de leur mission.

Disons-le nettement, Benoît XVI, lorsqu’il était encore le cardinal Ratzinger, a décidé et dirigé ce voyage au long cours, semé des pièges fortifiés par des années de déviations.  Le Synode se réfère constamment à quatre documents qui portent l’estampille ratzingerienne : l’Encyclique Ecclesia de Eucharistia donnée par le Pape Jean Paul II (17 avril 2003) ; l’Instruction Redemptionis Sacramentum, (sur certaines choses à observer et à éviter concernant la très sainte Eucharistie) préparée par la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements en collaboration avec la Congrégation pour la doctrine de la Foi (25 avril 2004) ; la Lettre Apostolique Mane Nobiscum Domine (7 octobre 2004) lançant l’année de l’Eucharistie (octobre 2004-octobre 2005).  En vue de l’Assemblée synodale, le Vatican a émis aussi un Instrumentum Laboris (7 juillet 2005) approfondissant les travaux antérieurs.

Le Synode, prévu dès l’origine, est l’aboutissement de ces années de préparation.  Il s’agit de s’assurer la participation des évêques à ce grand mouvement de retour à l’eucharistie.  Les Pères synodaux, bien qu’ils proposent collégialement, étaient scrutés attentivement.  Après trois années de pédagogie eucharistique, c’était plus qu’un bilan d’étapes ; pour le pape il s’agissait de savoir si Rome avait été écouté.

Rome lutte contre la protestantisation des esprits

Rome lutte contre la protestantisation des esprits en réaffirmant la valeur sacrificielle de l’Eucharistie.  « Ainsi est proposée de nouveau la doctrine toujours valable du concile de Trente » note l’encyclique Ecclesia de eucharistia.  L’actualisation du sacrifice dans l’Eglise est solennellement réaffirmée par les évêques : « L’Eucharistie est ce don qui naît de l’amour du Père, de l’obéissance filiale de Jésus, poussée jusqu’au sacrifice de la croix rendu présent pour nous dans le sacrement, par la puissance de l’Esprit Saint qui les transforme en Corps et en Sang de Jésus… L’évêque a la tâche de promouvoir la pédagogie de la conversion qui naît de l’Eucharistie et de favoriser pour cela la confession individuelle fréquente… Le Synode des évêques encourage le maintien et la promotion de l’adoration eucharistique, car elle soutient les fidèles dans leur amour et le service chrétien envers les autres… Afin de favoriser la visite au Très Saint Sacrement, les Églises dans lesquelles il est présent doivent rester ouvertes… L’adoration eucharistique nourrit une attitude d’émerveillement » (Propositions 1 à 7, passim)

Rome lutte contre l’informe et l’immonde.

Immundus en latin, c’est ce qui n’est pas du monde, ce qui n’est pas propre, ce qui ressemble à ces cadavres empilés dans la Cité que Platon conseille de mettre hors les murs car leur vision n’est pas faite pour l’homme pieux. Tous les documents orientent vers un soin de l’ars celebrandi afin de conduire les fidèles au culte authentique, à la révérence et à l’adoration.  Particulièrement “saignante” est l’Instruction Redemptionis sacramentum : « Les ombres ne manquent pas à propos de la réforme de la liturgie depuis le Concile et les abus dans les paroles et les rites de la liturgie contribuent à obscurcir la foi droite et la doctrine catholique concernant cet admirable sacrement ».

Ce qu’il nous importe de voir

Quel est l’impact de tels rappels sur les Pères synodaux ? Les évêques ont-ils compris l’esprit du Synode et des textes préparatoires ? Pas complètement, lorsqu’on lit les propositions.  Ces dernières édulcorent et vident partiellement de sens le travail réalisé en amont par Rome.

Exemple, la proposition 2 : « l’Assemblée synodale a rappelé avec gratitude l’influence bénéfique que la réforme liturgique, mise en œuvre à partir du concile Vatican II, a eue pour la vie de l’Eglise.  Celle-ci a mis en évidence la beauté de l’action eucharistique qui resplendit dans le rite liturgique.  Des abus ont été constatés dans le passé, et ne manquent pas aujourd’hui même ».

Voilà, tout est posé.  Ici, contrairement à ce que l’on peut lire dans Redemptionis sacramentum, les abus sont indépendants de la réforme conciliaire.  Elle n’en est pas la cause, ils n’en sont pas les effets.  Le résultat selon nous est que l’Eglise continuera de vivre sur deux jambes tirant à hue et à dia.  Des principes conservateurs et modernistes coexisteront pour un temps selon l’habileté de Benoît XVI. Mais cette coexistence ne sera pacifique que si on l’entend comme la dissuasion nucléaire empêchant les belligérants de dégainer en premier sous peine d’anéantissement réciproque.

Benoît XVI sait parler aux Pères synodaux, il connaît leur raisonnement, et surtout leur susceptibilité. Mgr Scola se réjouissait au début du Synode car « Le Pape a introduit une nouveauté formidable. Chaque soir une heure est réservée aux échanges libres.  Cette décision contribue à approfondir la collégialité ».

Le pape a lui-même montré l’exemple.  Il a participé à une adoration eucharistique avec les évêques, qualifiée de point d’orgue du Synode.  C’est dans la dévotion et l’adoration, dans l’exemplarité que le pape comptait influencer les Pères synodaux. Je ne suis pas sûr qu’il ait parfaitement convaincu un Mgr Karl Wiesmann, auxiliaire de Paderborn en Allemagne qui déclarait : « Le mystère eucharistique c’est l’ouverture de la dialectique sponsale du chercher pour trouver et du trouver pour chercher. » Hegel comme éclaireur risque encore longtemps d’égarer les brebis de son diocèse…

 

 

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