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Ce que
nous voulons faire
Présentation par l’Abbé
G. de Tanoüarn
Objections - n°1 - décembre 2005
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À
travers la revue Certitudes, avec la Lettre d’informations Pacte, nous avons
cherché, depuis plus de dix ans maintenant, à trouver un style. Ce style nous
avons souhaité le mettre sous le signe du Baroque. Il est vrai qu’en
France, le Baroque a mauvaise réputation… Et pourtant, l’âge baroque,
comme dit Marc Fumaroli, est le dernier moment historique où l’on a pu
observer une symbiose entre la foi et la culture, entre la foi et la société,
entre la foi et l’histoire. Les splendeurs du Baroque disent la beauté
de la foi, avec cette spontanéité, cet élan, ce naturel, qui renvoie chacun,
mine de rien, à une quatrième dimension oubliée : la profondeur…
Nos
contemporains désespèrent du naturel. S’ils les connaissaient mieux,
ils regarderaient certainement avec envie ces chrétiens d’il y a deux ou
trois siècles, libres et fidèles ! Quel est le secret de cette spontanéité ?
Il
me semble que le grand secret du Baroque, c’est le culte de la forme, non
seulement de la forme esthétique, mais de la politesse, de la délicatesse et
de tout ce que peut apporter une véritable éducation. Il me semble que
le grand drame de notre époque, c’est que nous sommes les héritiers
involontaires de l’optimisme insensé des 30 Glorieuses (1945-1975) qui a
voulu récuser toute forme héritée, toute tradition, se condamnant ainsi à
improviser l’homme (vivent les sauvageons de nos banlieues) ou à le
standardiser (vivent les consommateurs bien formatés, clients des marques
mondialisées).
Alors
le Baroque ? Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je dirai que c’est l’époque
qui veut ça.
Il
nous importe spécialement, en tant que catholiques, de retrouver les formes
dont la Tradition s’est ornée et sans lesquelles cette Tradition n’est qu’un
concept introuvable, qui nous ferait basculer dans l’imaginaire. Pureté
de la forme liturgique de la messe que l’on n’attribue pas par hasard à l’un
des plus grands papes de l’Âge baroque : saint Pie V. Profondeur du
catéchisme, élaboré au concile de Trente, qui servira de référent à tous
les catéchismes jusqu’à nos jours. Grandeur de la théologie dont
Cajétan fut, au nom de saint Thomas d’Aquin, l’un des grands moteurs et
dont saint Augustin, dans l’ombre, fut toujours l’inspirateur.
Que
nous faut-il de plus ? Que demandons-nous ? La libre disposition de ces
trésors, que des criminels ont soustraits au peuple chrétien, aujourd’hui
sevré de sa culture, trop souvent semblable, dans l’ordre spirituel, aux
sauvageons de M. Chevènement. Cette culture chrétienne n’est pas
un luxe. Elle est, pour tous les chrétiens aujourd’hui, une manière d’être,
une manière de durer. De résister.
Ce
que nous voulons faire à Objections ? Porter un regard de catholiques
sur les événements, sur les craquements de notre monde, sur les déchirements
de notre Eglise. Ce regard peut être angoissé ou passionné, terrifié
ou euphorique. Qu’importe, si l’on ne détourne pas les yeux ! Qu’importe,
si ce monde, on reste capable de le regarder. Tel qu’il est. Pour
tâcher d’y vivre le moins mal possible.
On
vous dira peut-être ici ou là : à quoi sert tout cela. L’essentiel
est de faire son salut.
Il
me semble qu’à cet examen-là, l’ultime, il ne suffit pas d’avoir la
moyenne et que le Dieu infiniment bon nous fait aspirer à l’excellence.
Chacun, en fonction des talents qu’il a reçus, est à un moment ou à un
autre capable du meilleur. C’est dans cette conviction que nous concevons le
devoir de lucidité comme primordial. Nous voudrions, à notre place, nous
y astreindre, quelles que soient les critiques.
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